« Nous sommes prêts ! »

No 70 - été 2017

Entretien avec Gabriel Nadeau-Dubois – Première partie

« Nous sommes prêts ! »

Propos recueillis par Ricardo Peñafiel et Marc-Olivier Vallée. Photos : Gérald McKenzie

Ricardo Peñafiel, Marc-Olivier Vallée

Le 9 mars dernier, Gabriel Nadeau-Dubois annonçait qu’il faisait le saut en politique au sein de Québec solidaire. Moins de trois mois plus tard, l’ancien leader étudiant était élu co-porte-parole du parti et député de Gouin. Dans son sillage, plus de 6 000 personnes ont manifesté leur enthousiasme en joignant les rangs de la formation de gauche. Au-delà d’un indéniable « effet GND », comment l’arrivée de cette icône du Printemps érable affectera-t-elle les stratégies et le fonctionnement de QS ?

Quelques jours après son élection en tant que député de Gouin, À bâbord ! a rencontré Gabriel Nadeau-Dubois pour faire le point sur une série d’enjeux relatifs à l’avenir de Québec Solidaire à la suite de son arrivée dans la politique partisane. Dans un échange rempli de camaraderie sans complaisance, le nouveau co-porte-parole de QS prend position sur l’indépendance du Québec et le processus de l’assemblée constituante et commente le rejet de la convergence avec le Parti québécois. Il s’exprime au sujet des défis que représente l’articulation de son double rôle de député et de co-porte-parole. Celui qui, après le printemps 2012, est devenu une figure de proue de la gauche québécoise, répond aux critiques relatives au « vedettariat » et à la personnalisation de la politique qu’on a pu entendre après sa fulgurante ascension aux plus hautes sphères de QS, sans avoir été un « born and raised Québec solidaire ». Parlant de la « convergence » entre sa démarche militante et le parcours de QS, GND affirme : « Nous sommes prêts à gouverner. »

À bâbord ! : Après la publication de Ne renonçons à rien, alors qu’on te demandait si la démarche préconisée dans le livre n’était pas utopique, tu as répondu : « L’un des défauts de la gauche, c’est justement d’être trop utopique, d’invoquer de grands principes en oubliant le réel, en ayant de la difficulté à ancrer ces valeurs dans des projets concrets. » Au lendemain du congrès de QS, Francine Pelletier signait un texte dans Le Devoir titré dans un premier temps : « Idéalistes 1, pragmatiques 0 ». Comment situes-tu la démarche de Faut qu’on se parle, qualifié par toi comme étant « pragmatique », et le fonctionnement de QS, qualifié par Francine Pelletier comme étant idéaliste ?

Gabriel Nadeau-Dubois : Déjà, de voir le débat sur les alliances électorales comme un débat opposant le pragmatisme à l’idéalisme, ça me semble être une vision très étroite. Les journalistes l’ont cadré comme ça, mais pour moi ce n’était pas un débat entre pragmatisme et idéalisme, parce qu’il y avait du pragmatisme des deux côtés. Beaucoup de gens ont voté contre une alliance avec le Parti québécois par pragmatisme, tandis que d’autres personnes étaient en faveur des alliances et ont fait preuve de beaucoup d’idéalisme.

La décision de ne pas faire de pacte électoral avec le Parti québécois, ce n’est pas une décision idéaliste selon moi. C’est une décision qui est motivée à la fois par des raisons, oui, de principe (le refus, par exemple, de s’associer de près ou de loin aux politiques identitaires du PQ), mais il y a aussi des raisons pragmatiques qui ont été émises dans le débat. Par exemple : « Veut-on s’allier à un parti qui, depuis 1998, perd des votes à chaque élection de manière constante ? », « Est-ce qu’on est en train de s’allier avec un parti qui est en décroissance ? » Ça, c’est radicalement pragmatique comme considération et ça a aussi pesé dans le débat.

ÀB ! : Dans le même ordre d’idées, comment penses-tu pouvoir articuler le double rôle de co-porte-parole et de député ? C’est-à-dire d’incarner, d’un côté, la voix du parti qui doit défendre les positions de ses instances et, de l’autre, le député qui doit faire des stratégies, des alliances et prendre des décisions au jour le jour.

G. N.-D. : Effectivement, c’est un équilibre qu’il faut négocier constamment. Étant donné que je commence tout juste mes fonctions de député, je ne peux pas encore dire comment ça va se dérouler au quotidien, mais c’est sûr qu’il va y avoir un équilibre à trouver. Parce qu’en effet, la fonction de député et le rythme de l’Assemblée nationale nécessitent de prendre des décisions sur une base quotidienne, alors que le rôle de porte-parole est lié à tout un fonctionnement démocratique à l’intérieur du parti. Donc, forcément il y a une tension entre les deux. Je pense que dans l’histoire de Québec solidaire, ce rapport-là s’est quand même plutôt bien passé jusqu’à maintenant, même s’il y a eu, bien sûr, des frictions, des accrochages. Malgré tout, je pense que Françoise et Amir avaient trouvé un bel équilibre.

Pourtant, plus Québec solidaire va grandir, plus notre députation sera nombreuse et plus ce défi va gagner de l’importance. Parce qu’à trois député·e·s, c’est une chose, mais bientôt, nous aurons beaucoup plus de député·e·s, ce qui va nous demander de nous adapter. Ça fait partie des ajustements que le parti va devoir apporter maintenant qu’on entre dans ce que j’appelle la deuxième étape de l’histoire de Québec solidaire, après un premier 10 ans à consolider le parti, à l’installer dans l’espace public, à le faire connaître ; ça, c’est fait. Aujourd’hui, on est passé à une deuxième étape de croissance et elle est déjà commencée, on le voit bien avec les 6 000 nouveaux et nouvelles membres, la victoire de Manon dans Sainte-Marie-Saint-Jacques, ma victoire décisive dans Gouin. On voit que, clairement, Québec solidaire est déjà entré dans cette deuxième phase, qui va forcément impliquer une adaptation. Par exemple, c’est certain qu’il y aura des défis à relever concernant nos instances et notre fonctionnement démocratique. Avoir un parti de 7 000 membres, c’est une chose, mais la situation n’est pas pareille avec 16 000 membres, comme aujourd’hui, ou 25 000 dans un an, comme je l’espère. On ne se connaît pas tous et toutes, et ça, pour QS, ce sera un apprentissage à faire, je pense. De réaliser que grandir, ça veut aussi dire qu’on sera de moins en moins une famille, qu’on ne connaîtra pas tous les 25 000 membres par leur prénom ! Il va falloir accepter qu’en grandissant, des gens vont se joindre à nous avec leur perspective, sans être des « born and raised » Québec solidaire.

Pour ces raisons, le rôle de la présidence à Québec solidaire sera de plus en plus important. Nika [Deslauriers, nouvelle présidente de QS] en a beaucoup parlé durant sa campagne. Elle voyait son rôle comme celui de « lubrifier » les rapports entre l’Assemblée nationale, les comtés, le parti. Son rôle sera de s’assurer que cette croissance ne se fasse pas au détriment de la démocratie dans le parti.

ÀB ! : Quelques jours après ton investiture en tant que candidat de QS dans Gouin, la revue L’Esprit libre organisait une soirée de réflexion intitulée « Populisme et vedettariat : la nouvelle norme en politique ? ». La soirée n’était pas organisée autour de ta candidature mais, dans la salle, il y avait des membres de QS qui te voyaient comme quelqu’un de l’extérieur de la famille, justement, catapulté dans les plus hautes sphères très rapidement. Comment tu te situes par rapport à ce genre de critiques ?

G. N.-D. : Le vedettariat ou la personnalisation outrancière de la politique, ce sont des choses qu’il faut critiquer et combattre ; j’en conviens absolument. La meilleure manière de contrer ça, ce n’est pas en s’en remettant aux vertus individuelles des gens, qui peuvent varier, c’est plutôt par les mécanismes qu’on se donne au sein d’un parti ou d’une organisation. À Québec solidaire, il y a une culture politique et des mécanismes institutionnels qui ramènent les porte-paroles à leur mandat. Ça fait seulement quelques semaines que je suis porte-parole du parti et je le vis déjà, ça. Moi, j’ai confiance que ces structures et ces mécanismes feront leur travail, que ce soit à mon égard, à l’égard de Manon ou à l’égard de tous les futurs porte-paroles du parti.

Pour ce qui est de la critique sur le fait que je serais quelqu’un de l’extérieur, durant cette course au porte-parole, je me suis opposé fermement à cette idée-là, qui se prétend un argument démocratique, mais qui, je trouve, ressemble drôlement à du corporatisme, en fait. Parce que ce qu’on dit, dans le fond, c’est quoi ? C’est qu’il faudrait faire ses classes à l’intérieur du parti pendant des années pour démontrer sa réelle allégeance ? Je pense que Québec solidaire, c’est le parti de toute la gauche. Lorsque des personnes ayant milité à gauche dans les mouvements sociaux pendant des années décident de faire le saut en politique et de joindre Québec solidaire, je pense qu’il faut les considérer comme ayant toujours été parmi nous. Sinon, on n’est pas sérieux quand on dit qu’on est le parti des urnes et de la rue. Et en ce qui me concerne, oui j’ai une certaine notoriété, mais je ne l’ai pas acquise dans un show de téléréalité, je l’ai acquise comme militant. Quand je me suis joint à Québec solidaire, je l’ai dit en arrivant : je me sens chez moi, parce qu’en faisant le tour des associations locales et partout où j’allais, je rencontrais toujours des personnes avec qui j’avais milité, que ce soit dans le mouvement étudiant, à Coule pas chez nous ou dans le mouvement syndical. Donc cette critique sur le fait que je viendrais de l’extérieur, je la conteste. Mais, pour moi, c’est très différent de la question du vedettariat et de la personnalisation outrancière, qui est une chose à laquelle il faut vraiment faire attention.

ÀB ! : Pour aller plus loin : il me semble t’avoir entendu parler des campagnes de Jean-Luc Mélenchon et Bernie Sanders pouvant servir de modèle ou d’inspiration. De quelle façon exactement souhaites-tu t’en inspirer ? Parce que ces personnalités, Mélenchon particulièrement, attirent aussi leur lot de critiques pour leur façon de s’appuyer énormément sur leur image, leur visage...

G. N.-D. : Et en même temps, du côté de Sanders, de nombreuses personnes ont dit que c’était une mauvaise comparaison parce que plusieurs de ses propositions ont déjà été réalisées au Québec. Quand j’utilise ces comparaisons, c’est surtout pour m’inspirer de la manière dont les campagnes se sont organisées : souvent de manière très décentralisée, où il y a beaucoup d’autonomie donnée aux gens sur le terrain. Ce qui rompt un peu avec un modèle d’organisation classique pour un parti politique plus hiérarchique, où il y a une grosse organisation et où des directives sont données. C’est le premier élément que je trouve inspirant.

Le deuxième, c’est qu’au-delà du positionnement politique sur l’axe gauche-droite, qui en effet n’est pas exactement le même qu’ici au Québec, ce que je trouve très intéressant, c’est leur posture politique. C’est-à-dire la manière dont ils font de la politique. Pour le dire le plus simplement possible, je dirais que c’est de la politique de principe, de la politique qui s’assume. Il y a une volonté de ne ressembler à personne d’autre, d’assumer une posture de rupture, clivante. Ce sont les deux points communs les plus inspirants pour nous. Je crois que Québec solidaire peut s’inspirer de cette volonté de cibler des enjeux qu’on sait qu’ils vont déranger, qui feront peut-être moins l’unanimité, mais qui vont nous positionner très clairement dans la tête de l’électorat. L’idée n’étant pas de cliver pour cliver, mais d’accepter de déranger un petit plus, en se distanciant légèrement d’une image très consensuelle, douce, rassembleuse, pour accepter qu’il y aura peut-être moins de gens qui vont nous aimer un petit peu, mais un nombre grandissant qui vont voter pour nous.

ÀB ! : On constate d’ailleurs depuis ton arrivée qu’il y a eu un certain changement dans la stratégie communicationnelle. En même temps, Québec solidaire avait déjà le vent dans les voiles avant que tu arrives, notamment avec la campagne de Manon Massé pour sauver la circonscription de Sainte-Marie-Saint-Jacques. J’aimerais savoir comment s’est fait l’arrimage entre tes propres pratiques communicationnelles et celles qui existaient déjà au sein du parti.

G. N.-D. : Je pense qu’il y a eu une sorte de « convergence »... [rires] naturelle ! Ce sont des réflexions qui étaient déjà dans le parti. C’est comme si les astres s’étaient alignés. Le regrettable départ de Françoise [David] a coïncidé avec un moment où, dans ma démarche de militant, je m’en allais vers ce type d’implication [dans un parti politique]. Il y a eu la victoire de Manon, le fait qu’elle s’est vraiment installée dans l’espace public depuis son élection avec une crédibilité politique et médiatique… Bref, le fil des événements a fait qu’il n’y a pas eu d’arrimage à négocier. C’est comme si les réflexions politiques que j’ai eues dans les dernières années, je les avais eues en parallèle avec Québec solidaire. J’ai l’impression que le parti et moi, on est arrivé aux mêmes conclusions par des chemins différents et que c’est pour ça que le mariage s’est bien fait, que la mayonnaise a pris.

On est arrivé, notamment, à la conclusion commune que la gauche, au Québec, devait s’assumer et se présenter clairement devant les gens en disant : « Nous sommes prêts à gouverner ». Le fait de parler plus d’économie, également, le fait d’investir des efforts pour sortir de Montréal, le fait de s’inspirer des pratiques de mobilisations qui ont eu lieu aux États-Unis, en France, en Espagne… le parti était rendu là et moi aussi. Je pense que ma victoire au poste de porte-parole est un indicateur de ça ; parce que j’ai fait campagne sur ce type d’idées exprimant une volonté de transformer l’organisation, d’une certaine manière, et il semble que ça tombait sous le sens pour à peu près tout le monde.

ÀB !  : Par rapport à la stratégie électorale, devant un échiquier politique québécois marqués à droite (avec un électorat votant massivement pour trois partis ayant fait de l’équilibre budgétaire un paradigme, ou avec deux partis francophones se disputant la question « identitaire ») comment pensez-vous pouvoir construire une majorité à gauche ?

G. N.-D. : Si j’avais la réponse à cette question-là, les choses iraient mieux. C’est tout un défi, mais j’ai des pistes de réflexion. D’abord, il y a une réelle insatisfaction à l’égard de ce qu’on peut appeler les partis traditionnels au Québec. Je l’ai senti sur le terrain, dans Gouin, et quand j’ai fait la tournée Faut qu’on se parle. L’expression de cette insatisfaction est freinée par le mode de scrutin, mais on en voit des signes partout. Ça sort par les craques un peu partout. Le fait qu’il y ait quatre partis à l’Assemblée nationale depuis dix ans maintenant, c’est du jamais vu dans l’histoire politique du Québec où il y a toujours eu du bipartisme. Aussitôt que surgissait un troisième parti, c’était en chassant l’un des deux autres. Là, ça fait dix ans qu’il y a quatre partis. C’est un signe qui ne ment pas.

L’émergence de Citoyens au pouvoir avec Rambo Gauthier, l’émergence du Parti conservateur du Québec qui fait quand même 3 ou 4 % selon les sondages (ce n’est pas marginal), la subsistance d’Option nationale… Tout ça, pour moi, ce sont différentes expressions d’une même insatisfaction à l’égard des partis traditionnels. Je pense qu’on assiste à la fin du bipartisme, mais que le mode de scrutin brime l’expression de cette volonté-là, largement répandue. Si on met toutes les personnes qui votent pour les libéraux pour ne pas voir le PQ au pouvoir et toutes les personnes qui votent PQ pour ne pas voir les libéraux au pouvoir, ça commence à faire pas mal de monde qui vote par défaut et peu de gens, je pense, par conviction. Ce n’est pas pour rien que dans beaucoup de « couronnes » de Montréal, QS est le deuxième choix de plusieurs électeurs et électrices de la CAQ ; des électeurs·trices qui ont voté NPD au fédéral, qui votent CAQ au provincial, qui mettent QS en deuxième choix, souvent, selon les sondages. Tout ça, ce sont des signes d’une seule et même insatisfaction.

QS doit profiter de cette conjoncture, il faut qu’on parle à ces personnes. Même dans la région de Québec, les sondages montrent que c’est une des régions où on a le plus progressé depuis deux mois. Parce que ce sont des coins où il y a énormément d’insatisfaction à l’égard des partis traditionnels. Et, contrairement à la CAQ, on est crédible quand on dit qu’on n’est pas un parti traditionnel. Jean-François Lisée, Philippe Couillard et François Legault se ressemblent beaucoup comme personnages politiques. Nous, on est capable d’incarner quelque chose de vraiment différent dans l’esprit des gens. Et c’est là-dessus qu’il faut capitaliser.

Il faut cibler les propositions qui nous confirment dans cette posture-là. Le meilleur exemple, c’est le libre-échange. On est le seul parti à l’Assemblée nationale qui a un vrai discours critique sur le sujet. Ça, ça nous définit, ça nous distingue, ça fait de nous une offre politique claire. Un autre exemple, c’est le financement public de l’école privée. Nos détracteurs diront qu’on s’isole, moi j’aime mieux dire que ce sont des sujets par lesquels on affirme notre personnalité. Je pense que ces débats et ces enjeux peuvent nous faire avancer, peuvent convaincre des gens qui ne se diraient pas « de gauche » si on leur posait la question, de nous appuyer.

Moi, j’aimais beaucoup ce que répondait Mélenchon quand on lui disait : « Vous êtes d’extrême gauche, comment allez-vous convaincre l’électorat ? Vous êtes tellement loin sur le spectre. » Lui répondait : « Moi, bien sûr que je suis de gauche, mais je ne parle pas qu’aux gens de gauche, je parle à tout le monde. Et si vous n’êtes pas de gauche, ce n’est pas grave : appuyez-vous les mesures que je propose ? » J’aime beaucoup cette manière de voir les choses. Québec solidaire ne parle pas seulement aux gens de gauche, Québec solidaire parle à tout le monde. On va convaincre tout le monde avec nos propositions concrètes, pas sur des positions de principe.

ÀB ! : Est-ce qu’il n’y a pas un risque que la position indépendantiste empêche des anglophones ou des allophones d’adhérer à QS ?

G. N.-D. : C’est peut-être un risque, mais notre travail, c’est de les convaincre ! Il ne s’agit pas de prendre la direction du vent et de s’ajuster selon la tendance. Dans la liste des principes fondateurs de Québec solidaire, on ne remet pas en question l’écologisme, on ne renie pas le féminisme… Je ne comprends pas pourquoi le principe de l’indépendance devrait être remis en question. Je veux dire, être féministe, ce n’est pas nécessairement populaire partout, être écologiste non plus… Mais on ne remet pas en question ces valeurs-là, parce qu’on y croit ! Pour moi, l’indépendance, c’est la même chose. Autrement dit, notre rôle est de persuader les gens que nos principes fondateurs sont les bons, pas de trouver une manière qu’ils votent pour nous même s’ils ne les appuient pas au complet, en usant de stratagèmes ou de bidouillages programmatiques.

Si on est honnête dans le projet de société qu’on propose, on le sait que les réformes et les changements auxquels on aspire sont impossibles à l’intérieur de la monarchie britannique et du fédéralisme canadien. C’est une question de cohérence et d’honnêteté que d’affirmer notre position indépendantiste. Ce qu’il faut répéter – et je l’ai aussi fait à Global News –, ce qu’il faut marteler, c’est à quel point notre projet d’indépendance est très différent de celui du Parti québécois. Je crois d’ailleurs que le projet suscite moins de crainte – voire de haine – auprès des jeunes anglophones et allophones comme ça a pu être le cas historiquement au sein de ces communautés. Je pense notamment aux jeunes anglophones à Montréal ; j’en rencontre plein qui me disent : « Ouais, c’est vrai que l’indépendance, c’est pas la grande bataille de ma vie, mais si c’est démocratique, que c’est inclusif, je ne suis pas contre… Je demande à voir, mais je ne suis pas contre. » Je crois que ce sont des personnes à qui on peut parler en disant : « Écoutez, nous, ce qu’on propose c’est de transformer la cité québécoise et pour réaliser cette transformation sociale, il faut avoir tous les pouvoirs démocratiques au Québec. Si on veut sceller un réel pacte d’amitié de nation à nation avec les Autochtones, il faut faire l’indépendance. Si on veut maîtriser notre politique énergétique, si on veut réglementer le secteur bancaire, si on veut renégocier le libre-échange, si on veut protéger et diffuser la culture québécoise à l’ère d’Internet, il faut les pouvoirs de réglementation des télécommunications aussi ! » Si on fait ce travail, je pense qu’on peut convaincre beaucoup de gens qui ne font pas partie de l’électorat « nationaliste » classique. D’ailleurs, pour moi, la fusion avec Option nationale – et c’est un élément que j’ai mis beaucoup en avant –, ça s’inscrit dans cette démarche de créer ce nouveau pôle de rassemblement des indépendantistes progressistes.

ÀB ! : L’imbroglio autour de la signature ou pas de l’entente avec OUI Québec tournait autour du projet d’une assemblée constituante et de ses modalités, de son mandat (indépendantiste ou non) et de son mode de désignation (populaire ou parlementaire). Comment te situes-tu dans ce débat ?

G. N.-D. : Il y a, en quelque sorte, un faux débat. Parce que sur la question de sa composition, tout le monde s’entend là-dessus. C’est un élément sur lequel on n’a aucune raison de changer notre position : c’est fondamental que ce soit un exercice de souveraineté populaire, que ce soit indépendant de l’Assemblée nationale.
L’autre débat – sur la technicalité du mandat [de l’assemblée. À savoir s’il doit porter sur l’indépendance ou non] –, là-dessus, je trouve qu’on s’est un peu embourbé à l’interne comme à l’externe parce que, dans les faits, l’acte constituant nous place d’emblée en rupture avec l’ordre constitutionnel existant. Ce geste-là, déjà, c’est un geste d’affirmation d’indépendance. On se met en contradiction avec l’ordre constitutionnel en convoquant cette assemblée. Donc, pour moi, c’est un faux débat.

On s’est embourbé dans ce débat entre un mandat « ouvert » ou un mandat « fermé ». D’emblée, je n’aime pas la terminologie, opposant « ouvert » à « fermé », parce qu’il y a une des options qui est marquée très péjorativement… Je pense qu’il y a moyen de trouver une nouvelle formulation qui clarifie les choses pour sortir de cette espèce de polarisation entre les partisans de la constituante avec mandat ou sans mandat. On va travailler là-dessus, notamment dans le cadre du processus de dialogue avec Option nationale, mais je pense qu’il y a moyen de trouver une troisième formulation qui réconcilie tout le monde. Parce que, dans le fond, on le sait tous qu’en appelant une assemblée constituante, on se place en contradiction avec l’ancienne constitution.

La suite de l’entretien est maintenant disponible. Dans cette seconde partie, il est question de la stratégie de Québec solidaire pour faire des gains à l’extérieur de Montréal, de développement économique régional, d’éducation et de bien d’autres sujets.

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