Ce qui nous lie

No 93 - Automne 2022

Sous la direction de Sol Zanetti

Ce qui nous lie

Maël Foucault

Sol Zanetti (dir.), Ce qui nous lie, Écosociété, 2021, 136 pages.

L’écologie politique n’occupe pas encore une place clairement définie à l’intérieur du champ politique québécois. Voilà donc un essai-manifeste bienvenu, dirigé par Sol Zanetti, qui offre des arguments polyvalents au discours souverainiste de gauche : l’indépendance pour lutter contre la crise climatique, pour défaire l’État pétrolier et ce, dans un langage près de l’écosocialisme. Le titre Ce qui nous lie a donc de prime abord un double sens : celui du rapport des auteur·rices au territoire, à sa biodiversité et à ses mythologies d’un côté, et puis leur engagement commun à l’intérieur d’un parti politique – Québec solidaire – pour la défense de ces causes politiques.

Accompagné d’un avant-propos de Natasha Kanapé Fontaine, l’ouvrage est divisé en onze chapitres, tous rédigés par les dix député·es de Québec Solidaire à l’exception d’un seul – celui de Michaël Ottereyes. On peut donc y voir le produit de « l’aile parlementaire » du parti. Chaque chapitre offre une perspective complémentaire sur le projet de souveraineté, dénué de son nationalisme habituel. Ici, la souveraineté populaire prend le pas sur celle de la nation, et pour cause : un pays n’adviendra que sur la base d’une alliance avec les Premiers Peuples, dans une perspective écologique. Natasha Kanapé Fontaine donne à ce projet le nom d’innu tipenitamun, être maître de soi en relation avec le territoire. Pourtant, le réflexe nationaliste n’est jamais bien loin, et certaines sections laissent présager, au contraire, le ressac du fameux « maître chez nous » . En effet, à force de marteler que l’architecture canadienne est un frein à toute écologie politique et que la souveraineté en est le seul remède, le texte occulte ce qu’il y a de colonial à l’intérieur même du Québec, et qui subsisterait après la sécession. Les politicien·nes camouflent cette critique derrière l’argument phare du livre : la tenue d’une assemblée constituante (pp. 25, 48, 76, 88, 109, 121). Un chapitre consacré à ce sujet aurait été un atout, plutôt que le choix de l’évoquer de manière incantatoire. Quelle forme prendrait cette Constituante ? Serait-elle révolutionnaire, c’est-à-dire menée par le peuple uniquement, ou avant-gardiste, et donc orientée par un parti pour accoucher d’un certain régime ? Certains chapitres, notamment ceux d’Émilise Lessard-Therrien ou de Vincent Marissal, pointent vers cette seconde voie.

Un troisième sens peut se dégager du titre : ce qui nous lie aux peuples autochtones. Il convient maintenant de se demander qui seront les parlementaires de Québec solidaire après les élections de 2022 : les mêmes qui ont voté pour le projet de loi 96 de la CAQ – et donc contre les droits culturels des Premiers Peuples, ou ceux et celles que l’on retrouve dans cet ouvrage collectif ? Autrement dit – et c’est là tout l’enjeu du manifeste –, comment passer du champ intellectuel au champ politique en ce qui concerne l’écologie au Québec ?

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