Trois personnes vouées à la réinsertion sociale

No 75 - été 2018

Service aux personnes toxicomanes

Trois personnes vouées à la réinsertion sociale

Gabriel Dagenais

La Maison Lyse-Beauchamp et le Café de la gare de Mont-Laurier viennent en aide aux personnes atteintes de problèmes de toxicomanie, d’itinérance et de santé mentale. Portraits croisés de la fondatrice et de deux intervenants dévoués qui ont vaillamment pris son relais et qui veillent à perpétuer son approche visant à abattre les murs qui entourent trop souvent la souffrance.

Lyse Beauchamp : bâtisseuse d’espoir

Dans les Hautes-Laurentides, à la fin des années 1980, aucun service intermédiaire n’est disponible pour soutenir les personnes aux prises avec des problèmes de toxicomanie et leurs effets concomitants (itinérance et maladie mentale) : c’est la rue ou l’hospitalisation, pas d’autres alternatives ! À Mont-Laurier, Lyse Beauchamp a milité activement avec un groupe de bénévoles pour fonder une ligne d’urgence sociale qui couvre la grande région de Mont-Laurier, 24 heures par jour et 7 jours par semaine. Celle-ci voit le jour, malgré la mort prématurée de Toxico-Alerte, sa prédécesseure. Au fil du temps, elle a été remplacée par Info-santé, qui offre aujourd’hui de nombreux services dans le cadre d’une approche décloisonnant les problématiques de toxicomanie, d’itinérance et de maladie mentale. Parmi ceux-ci figurent des ressources d’hébergement d’urgence ou de plus longue durée, un centre de désintoxication certifié, un restaurant gastronomique, une cuisine-traiteur ainsi qu’une shop d’ébénisterie.

Rapidement, la ligne d’urgence s’est avérée insuffisante pour répondre aux besoins des personnes en détresse. Ceci a notamment poussé Lyse Beauchamp à ouvrir un accueil de jour qui s’est vite transformé en centre d’hébergement. L’un des employés est un jeune intervenant en toxicomanie, Michel Bolduc. Aujourd’hui, presque 25 ans plus tard, il est directeur général de l’organisme qui emploie 26 personnes et en héberge jusqu’à une soixantaine quotidiennement.

Michel Bolduc et Luc Fleurent : même combat !

La démarche de Michel Bolduc est ancrée dans sa propre histoire : issu d’une famille qui, sans être pauvre, vivait son lot de problèmes, dont l’alcoolisme de son père. Son hyperactivité lui donne beaucoup de fil à retordre à l’école. Souvent dernier de classe, malgré sa grande soif de comprendre, il vit des échecs qui minent son estime de soi. «  À un moment, j’ai compris que c’était une difficulté à apprendre, pas un problème d’intelligence. » C’est à ce moment que le travail d’introspection lui a permis de se voir autrement, de réaliser qu’il avait un véritable potentiel, de « croire au changement possible » et en cherchant à réussir sa vie, plutôt que de réussir dans la vie.

Chaque jour, Michel effectue la tournée des plateaux de travail et des sites d’hébergement et salue chaque employé·e ou bénéficiaire. Cette tournée sert à rencontrer « tout son monde », à régler les problèmes ponctuels et aussi à s’assurer que le personnel incarne bien les valeurs de la Maison Lyse-Beauchamp, ainsi nommée pour rendre hommage à sa fondatrice. Selon lui, «  pour faire une différence dans la vie des gens, pour entrer en contact, on doit les aimer, surtout les gens les plus démunis ».

Michel Bolduc et deux employées de la Maison Lyse-Beauchamp

Luc Fleurent quant à lui est tout dévoué au Café de la gare, restaurant de fine cuisine. Personnage haut en couleur, il rappelle que le resto, dédié à la réinsertion, est bien particulier. Non seulement il vise à sortir des personnes de la misère de la rue, mais il constitue aussi un lieu possible de réinsertion sociale. Pour assurer sa survie, le Café de la gare compte sur la générosité des clients. En effet, pas de facture au Café de la gare, chacun y va de son « à votre bon cœur Messieurs, Dames !  »

Un modèle qui doit « faire des petits »

Difficile de se tenir à flots surtout lorsqu’on doit faire face à la déplorable réforme de l’assurance-emploi et aux compressions que le gouvernement impose aux groupes communautaires. Avec les coupes à l’aide sociale qui servait notamment à payer l’hébergement des bénéficiaires, la Maison Lyse-Beauchamp a bien failli fermer pour de bon : « Fallait démontrer au CISSS qu’il y avait des besoins locaux entre Saint-Jérôme et Val-d’Or ! On était rendus au point de rupture  », s’exclame Michel Bolduc.

La Maison Lyne-Beauchamp a toujours eu de la misère avec le financement parce que ses représentant·e·s refusent d’intervenir en silo sur la dépendance, l’itinérance et les problèmes de santé mentale. L’organisme a toujours travaillé sans cloison et cela fait aujourd’hui partie intégrante des revendications de Michel Bolduc, qui souhaite « que le modèle fasse des petits ailleurs au Québec ».

Dans son action, l’organisme prend soin de ne pas se substituer aux partenaires de la région ou de reprendre les tâches du réseau public. « On agit quand personne ne le fait. On ne veut laisser tomber personne dans une craque, mais après, on travaille pour refermer la craque pour les suivants. »

Travailler dans le domaine de la toxicomanie dans une des MRC les plus pauvres au Québec (au 93e rang sur 104) et de loin la plus vaste des Laurentides, c’est marcher sur un fil à la limite du jeu politique. « Faut que ça aide des gens dans le besoin. On part du besoin, on trouve l’idée, et ensuite, on fait tomber les barrières une à une.  » C’est ainsi que Michel Bolduc perpétue la démarche, la volonté et la mémoire de Lyse Beauchamp.

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