Les nuisibles

No 80 - été 2019

Piero Macola

Les nuisibles

Valentin Tardi

Piero Macola, Les nuisibles, Futuropolis, 2019, 120 pages.

Piero Macola est un auteur discret d’origine italienne qui vit en France et qui a à son actif deux documentaires réalisés avec le photographe Alain Bujack. Le Tirailleur racontait le parcours de vie d’un Marocain vieillissant qui, à l’époque, avait été enlevé par l’armée française pour être enrôlé de force à 12 ans. Kérosène narrait le démantèlement d’un quartier de Roms pour relogement et encadrement. Dans Les nuisibles, Macola travaille seul (aux textes et aux dessins) et, s’il part de faits réels, il imagine et met en perspective, par petites touches et avec un doigté non moins révélateur, d’autres vies marginalisées, d’autres invisibles que l’humain préfère ignorer en détournant le regard.

C’est avec une remarquable subtilité que Macola utilise ses crayons de couleur pour accoucher d’une œuvre allant au cœur de personnages ballottés, utilisés et souvent spoliés. Il y a un migrant moldave blessé dans un chantier où il travaille au noir et un gars du cru vivant en marge pour se confondre avec le brouillard et les eaux du Pô. Ces éléments naturels constituent un personnage en soit – quelque chose de trouble et de suspendu dans l’air. Le migrant en fuite et l’ermite se rencontrent.

Les blessures ne sont pas que physiques, elles relèvent aussi des peurs. Parfois celles-ci sont liées à des expériences passées, notamment des abus, mais, le plus souvent, elles sont distillées par des racontars. Cette idée d’invasion, de trafics et de criminalité accolée aux « étrangers » est utilisée avec pertinence par Macola pour donner l’impression que la vie devient dangereuse. Si l’histoire implique aussi une vieille vivant seule, que sa famille parvient à déloger et rapatrier en ville, on retiendra aussi, particulièrement d’Anton, le migrant, qu’il y a toujours l’espoir, les rêves et l’envie, irrépressible, d’avancer. Même pour des « nuisibles » – l’auteur nous interpelle sur leur identité dès les premières pages avec un enfant embauché pour faire disparaître, au petit matin tandis que les vacanciers dorment, les rats capturés dans des pièges ici et là.

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