La culture enclavée. Art, argent, marché

No 84 - été 2020

Claude Vaillancourt

La culture enclavée. Art, argent, marché

Isabelle Bouchard

Claude Vaillancourt, La culture enclavée. Art, argent, marché, Montréal, Éditions Somme Toute, 2019, 290 pages.

La culture est-elle en progression ? Qu’est-ce qui fait qu’une œuvre est plus populaire qu’une autre ? Comment se construit la popularité ? Le modèle de financement du Conseil des arts est-il une piste intéressante ? Est-il possible de résister au système qui tend à conformer la culture ? Est-ce que l’abondance en culture est un gage de qualité ? Le pari de la démondialisation de la culture est-il trop risqué ? Voici quelques questions développées dans le dernier essai de l’écrivain prolifique et engagé qu’est Claude Vaillancourt.

Vaillancourt dévoile la trame des conséquences d’un traitement néolibéral à un phénomène universel qui aurait dû en être protégé : « le traitement que l’on donne à la culture est tributaire des choix de société faits partout dans le monde, plus spécifiquement de l’adhésion à l’idéologie néolibérale, qui occupe tout l’espace politique et économique. La culture se plie à ses règles, tout naturellement  ».

Dans le premier chapitre, l’auteur présente un surprenant paradoxe auquel la haute culture est exposée, soit son « triomphe raté » au moment même où elle aurait le plus de chance d’être accessible, abondante et de grande qualité. Dans ces conditions, le financement des artistes fait l’objet du second chapitre dans lequel est notamment présentée l’histoire fascinante du mécénat. Puis, on s’intéresse au parcours des œuvres d’art, notamment celui qui construit sa popularité par des effets algorithmiques. Le quatrième chapitre est, quant à lui, réservé au thème de la diversité en art, celle des artistes, celle des genres et des contenus.

L’auteur insiste notamment et avec raison sur la « recette du conformisme culturel  » qui s’illustre par l’indéniable anglicisation. Devant ces tendances lourdes, l’auteur réfléchit aux conditions de survie de l’art « impopulaire » placé devant l’hégémonie de l’art industriel. C’est le moment idéal pour l’auteur d’exposer ce qu’il entend par le concept de « haute culture ». Les lecteurs apprécieront aussi l’analyse des styles musicaux, dont celle du formatage de la pop. La prise de position politique des artistes est l’objet du sixième chapitre. L’auteur y soulève le rôle social des artistes, dont celui de militant, et l’impossibilité de la neutralité. Avant de terminer l’essai, l’auteur aborde le sujet surprenant de la relation taboue qu’entretiennent les artistes avec leur argent, la bourse et la finance. Le détour dans des œuvres d’Honoré de Balzac et d’Émile Zola est très instructif. L’essai se termine par un dernier chapitre fort dans lequel Claude Vaillantcourt invite à plonger dans le postnéolibéralisme et suggère une piste prometteuse : la démondialisation de la culture.

Le caractère fouillé, complet, documenté et nuancé des assertions présentées est d’une telle rigueur et d’une telle clarté que l’ouvrage se distancie indéniablement du pamphlet pour s’incarner véritablement dans l’essai. Un essai fort, majeur et incontournable pour qui souhaite réfléchir à la place et au rôle essentiel qu’a occupé, qu’occupe et que doit occuper la culture à travers ses succès et ses entraves.

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