No 47 - déc. 2012 / jan. 2013

Le saccage de l’assurance-emploi

Une attaque de front

Jean-Pierre Larche

L’assurance-emploi a beau être un programme financé exclusivement par les cotisations versées par les travailleuses et les travailleurs et leur employeur, les gouvernements fédéraux successifs se permettent depuis une bonne vingtaine d’années d’en affecter les surplus à des priorités politiques qui n’ont rien à voir avec une assurance visant à protéger les salariéEs des aléas d’une économie de marché qui a besoin de chômeuses et de chômeurs pour fonctionner.

Les conservateurs de Stephen Harper ont poussé cette tendance beaucoup plus loin. Après avoir tenté de « légaliser » l’appropriation des surplus, ce qui est toujours contesté devant les tribunaux, ils utilisent maintenant le programme comme un outil pour forcer des changements socioéconomiques aux conséquences énormes pour les travailleuses et les travailleurs et pour les régions du Québec.

Emploi convenable

La plus récente réforme des conservateurs a été lancée dans le cadre du dernier budget, ce fameux projet de loi mammouth C-38 de plus de 425 pages qui modifie, sans débat public, des centaines de lois canadiennes. Un des aspects les plus préoccupants concerne la redéfinition du concept d’emploi convenable. Au moment d’écrire ces lignes, le règlement que le gouvernement adoptera n’était pas encore connu. Toutefois, la ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, Diane Finley, a donné suffisamment de précisions sur ses ambitions pour soulever un tollé.

En gros, le gouvernement souhaite créer trois catégories de chômeuses et de chômeurs qui devront satisfaire à des conditions différentes pour toucher l’assurance-emploi, en lieu et place des balises qui s’appliquaient à tout le monde auparavant. Ils divisent ainsi les sans-emploi entre « bons » et « mauvais » chômeurs. Sont donc particulièrement pénalisés ceux et celles qui ont présenté trois demandes ou plus de prestations au cours des cinq dernières années et bénéficiés de prestations pendant plus de soixante semaines.

C’est on ne peut plus clair, pour les conservateurs, les chômeurs sont responsables de leur situation. Ils font le choix de ne pas travailler et de recevoir du chômage. La réalité est pourtant beaucoup plus nuancée quand on prend en compte les cycles économiques normaux, les industries saisonnières, les situations particulières de certaines régions… C’est pourquoi ces propositions soulèvent beaucoup de craintes tant du côté des organisations de sans-emploi et des syndicats que des municipalités, des MRC, des provinces et même des employeurs en région qui craignent de voir la main-d’œuvre se raréfier.

D’importantes répercussions

Pour le gouvernement conservateur, le calcul est simple : les pêcheurs des Îles-de-la-Madeleine n’ont qu’à déménager à Fort McMurray, dans le nord albertain, pour améliorer leur situation et contribuer à l’essor de l’économie bitumineuse canadienne. Une approche semblable a pourtant des conséquences catastrophiques. Humaines, bien entendu, pour les travailleurs touchés, soit les plus précaires et les travailleurs saisonniers. Mais aussi pour les économies locales… Comment assurer la survie des régions qui ont déjà beaucoup de difficultés si le gouvernement travaille maintenant activement à les vider de leur population ? De leur côté, les patrons des industries cycliques (tel le tourisme) craignent de ne pas pouvoir trouver de main-d’œuvre lorsque leurs activités reprennent. Enfin, plus globalement, si l’on oblige un travailleur qualifié à accepter un emploi comparable à un salaire bien inférieur à son dernier gagne-pain, ce sont en définitive tous les salaires qu’on tire vers le bas…

Pour les provinces, c’est un nouveau casse-tête de finances publiques. En effet, combien de ces travailleuses et travailleurs se verront refuser l’assurance-emploi et atterriront… dans les bureaux d’Emploi-Québec pour réclamer, à bon droit, l’aide sociale ? Dans un même temps, les conservateurs en profitent pour rendre encore plus difficile pour les chômeuses et les chômeurs de contester les décisions qui leur sont défavorables.

Ces changements dommageables sont lancés par les troupes de Stephen Harper alors que , pourtant, moins de 25 % des chômeuses et des chômeurs actuels se rendent à la fin de leurs prestations (n’ayant pas trouvé d’emploi avant la fin de cette période) et qu’une majorité de travailleuses et de travailleurs n’ont même pas accès aux prestations même s’ils ont cotisé au régime, en raison de ses règles déjà restrictives. Il y a fort à croire que le gouvernement conservateur enchaînera prochainement avec une baisse de la cotisation pour les employeurs pour mieux refléter ce resserrement des règles. Voilà peut-être leur véritable objectif depuis le début…

Pour en savoir plus sur les changements apportés par les conservateurs, consultez le site du Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE) au : http://www.lemasse.org.

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