Parler en Amérique. Oralité, colonialisme, territoire

No 86 - décembre 2020

Dalie Giroux

Parler en Amérique. Oralité, colonialisme, territoire

Miriam Hatabi

Dalie Giroux, Parler en Amérique. Oralité, colonialisme, territoire, Montréal, Mémoire d’encrier, 2019, 136 pages.

Parler en Amérique de Dalie Giroux explore la langue franco, décrite comme à la fois française et très peu française, « foncièrement orale, sonore et directe, mâtinée d’anglais et d’expressions archaïques », forgée par le territoire et l’histoire coloniale. À travers cet ouvrage, la lauréate du Prix Spirale Eva-Le-Grand et professeure titulaire de théorie politique à l’Université d’Ottawa lance une invitation « au voyage, à l’hospitalité, à la curiosité et à une pratique de soi qui puissent initier, sans promesse de résultat, une machine intime de décolonisation ».

Constitué d’essais qui nous invitent à une traversée dans l’espace-temps de l’Amérique franco, Parler en Amérique propose une analyse sans complexes et parfois salissante — comme en témoigne l’essai sur la marde — du français oral américain. Au fil de sa recension des nombreuses empreintes laissées par la colonisation et le peuplement sur les langages et la géographie de l’Amérique francophone, Giroux trace le portrait d’un univers postcolonial qui repose sur ces langages subalternes et disqualifiés néanmoins porteurs de connaissances et d’histoires. Dans Parler en Amérique, Giroux s’affaire à rapailler ces connaissances et ces histoires méconnues et intimes qui composent malgré tout l’imaginaire postcolonial de l’Amérique franco.

Les six chapitres abordent notamment le langage de la colonisation, les résidus de langages subalternes, les résistances toponymiques, le malaise du locuteur franco, et l’oralité laurentienne comme porteuse de connaissances. Giroux guide sa lectrice dans une analyse fine, sans se bâdrer d’éviter les malaises associés à cette hybridité du français américain. À l’inverse, et en puisant dans les écrits du penseur de la postcolonialité Homi Bhabha, l’auteure nous invite à aborder ce malaise de front, comme une donnée d’analyse de la puissance décolonisatrice de l’oralité franco de l’Amérique du Nord.

L’ouvrage à l’écriture musicale se conclut sur un crescendo et appelle la lectrice à considérer l’oralité franco et ses expressions forgées par ce terrain de la Nord-Amérique comme une porte qui mène vers un rapport décolonisé au territoire et à l’histoire. Par sa mélodie et sa poésie qui tracent les contours des paysages laurentiens et américains, l’analyse rend parfaitement honneur à son objet.

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