En finir avec le capitalovirus : l’alternative est possible

No 89 - septembre 2021

Jean-Marie Harribey

En finir avec le capitalovirus : l’alternative est possible

Thierry Pauchant

Jean-Marie Harribey, En finir avec le capitalovirus : l’alternative est possible, Dunod, 2021, 218 pages.

Avec le déconfinement, les essais sur « le monde d’après » se multiplient. Le livre En finir avec le capitalovirus se démarque. Il replace la crise du coronavirus dans son contexte politique, le capitalisme, mais il ne commet pas l’erreur d’y voir la cause de l’infection. Plus subtilement, selon l’auteur, l’accélération tous azimuts du régime capitaliste accroit la probabilité et l’impact de telles crises. L’exploitation massive des forêts où vivent des animaux porteurs de tels virus, l’accélération des échanges commerciaux entre nations, ainsi que les coupes néolibérales dans les systèmes de santé sont parmi les facteurs amplificateurs. Les conséquences négatives de ces facteurs peuvent même s’aggraver dans le futur, si l’on ne change pas de régime.

Bien qu’économiste de profession, Jean-Marie Harribey ne fait pas non plus l’erreur de ne proposer que des mesures économiques pour juguler les effets de la pandémie. Pour lui, abaisser les taux d’intérêt ou même rembourser des dettes ne touche pas le cœur du problème. Une transformation sociale et écologique de notre monde demandera de modifier les rapports actuels entre classes sociales ainsi que notre rapport collectif à la nature. L’auteur formule d’ailleurs de façon crue une importante question soulevée par cette crise : « Quelle est cette économie qui a besoin que des travailleurs meurent pour nous rendre compte de leur utilité sociale ? »

Animateur du Conseil scientifique d’ATTAC France, membre du Conseil d’administration des Économistes atterrés, blogueur à Alternatives économiques et directeur de la revue Les Possibles, l’auteur propose des réponses novatrices à ces questions de fond. Il suggère par exemple de réhabiliter le sens et la valeur du travail, d’instituer les communs et de socialiser la monnaie. Les enjeux mis en lumière par la pandémie lui font aussi écrire des pages vibrantes sur la place de la science dans nos sociétés, souvent confondue avec la technique et teintée de pensée magique. Et bien que désirant rester pratique, Jean-Marie Harribey critique des notions pourtant populaires aujourd’hui dans certains milieux, comme le revenu universel, la décroissance ou le capital naturel.

L’auteur est à son meilleur quand il insiste que la notion de valeur est différente de celle de richesse et que les registres économiques, sociaux et écologiques ne sont pas commensurables. On ne peut, en effet, effectuer une comparaison coûts-bénéfices monétaires entre eux. Citant le poète Pierre de Ronsard, il présente une critique du calcul économique appliqué à des entités non marchandes comme la vie affective des personnes ou la beauté d’un coucher de soleil. Il présente de plus une critique des rapports sociaux actuels qui font en sorte que le salaire d’une infirmière, par exemple, représente bien peu ce qu’elle produit. Ces critiques débouchent sur la nécessité d’une philosophie politique différente, prenant mieux en compte la démocratie et l’éthique ainsi que la fragilité et l’incertitude de la vie.

En finir avec le capitalovirus est un livre exigeant pour le lecteur et la lectrice. Refusant de trivialiser les enjeux, l’auteur mobilise des connaissances dans des domaines très variés, comme l’économie, la politique, l’anthropologie, l’écologie ou la philosophie. Il fait aussi se côtoyer les vues d’économistes hétérodoxes, comme Adam Smith, Karl Marx, John Maynard Keynes, Karl Polanyi et Elinor Ostrom. Le livre est cependant écrit dans un style souvent convivial et s’appuie sur de nombreuses études, rendant ainsi le propos moins théorique. C’est un livre grave, aussi, témoin des tragédies exacerbées par la pandémie. Mais il reste optimiste, suggérant des alternatives possibles.

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