Mini-dossier - La philanthropie (…)

Mini-dossier - La philanthropie : une fausse solution pour le communautaire

Milieux communautaires et fondations privées : des enjeux persistants

Nancy Harvey

Les organismes communautaires et les fondations ont une relation d’interdépendance : les premiers, sous-financés par l’État, doivent avoir recours à du financement alternatif ; et les secondes ont besoin des groupes pour accomplir leur mission sur le terrain. Les relations qu’ils entretiennent sont à géométrie très variable et ont bien sûr évolué au fil des années. Les représentations ainsi que la mobilisation autour des partenariats public-privé (PPP) sociaux [1] ont permis aux groupes d’affirmer davantage leur autonomie, de mettre de l’avant leur expertise et ont parfois même permis l’assouplissement de certains processus administratifs. Toutefois, tout n’est pas parfait au royaume des fondations et certains enjeux demeurent et méritent d’être rappelés, encore.

Fondations et lutte aux inégalités : un paradoxe

Les fondations se présentent désormais comme des acteurs sociaux dans la lutte contre les inégalités sociales. Pourtant, certains faits viennent miner leur prétention. En vertu des lois fiscales canadiennes, les fondations privées ne paient pas leur juste part, privant ainsi l’État québécois de revenus qui pourraient être utilisés pour financer les services publics et les programmes sociaux [2]. Leur présence encourage également la déresponsabilisation gouvernementale dans certains secteurs sous prétexte qu’il est déjà investi par les fondations. D’ailleurs, il est difficile de ne pas lier les années d’austérité gouvernementale avec la place grandissante qu’elles ont prise dans la société québécoise. De plus, les fondations se déploient en fonction de leurs préoccupations en laissant en plan toute une partie de la population. Ce n’est donc pas une évidence de considérer les fondations comme une solution aux problèmes sociaux quand elles contribuent du même coup à affaiblir l’État.

Un financement qui fragilise

Les organismes communautaires Famille sont financés en moyenne annuellement à hauteur de 76 000 $ par le ministère de la Famille, ce qui est largement insuffisant en regard des besoins. La seule possibilité de développement pour les organismes se retrouve dans les sources de financement alternatif dont les fondations font partie. Par contre, l’instabilité de ces sources de financement cause la fragmentation des budgets, des lourdeurs administratives, des difficultés de rétention des travailleurs et travailleuses, etc. Aussi, par leur présence, les fondations, dont le soutien vise des projets singuliers, nuisent au rehaussement du financement à la mission des groupes communautaires. Nous en avons eu la preuve avec les 10 années du PPP entre le gouvernement québécois et la Fondation Lucie et André Chagnon durant lesquelles les groupes n’ont eu aucun rehaussement de leur financement à la mission.

L’action communautaire mise à mal

Les fondations, tout comme les organismes communautaires, ont chacune leur mission, leurs orientations, leurs objectifs et les moyens d’action privilégiés. Parfois, les deux réalités convergent, parfois divergent, mais souvent les organismes travaillent très fort pour concilier le tout. Les conséquences sont sérieuses : développement de projets en fonction des orientations du bailleur de fonds et non des besoins exprimés par les populations desservies et déploiement de « services » au détriment de projets collectifs ayant une visée émancipatrice de transformation sociale propre à l’action communautaire autonome.

Les rapports entre le milieu communautaire et les fondations sont là pour durer. Il apparait important que l’État assure le financement à la mission de façon adéquate afin que les organismes aient recours aux fondations que lorsque leurs intérêts respectifs convergent réellement. L’État devrait également assurer le filet social à la population québécoise et obliger les fondations à contribuer à leur juste part. Alors, les fondations pourront réellement jouer un rôle complémentaire.


[1Coalition Non aux PPP sociaux, « Non aux PPP sociaux ». En ligne : www.rocfm.org/files/brochurepppsociaux12mai2014.pdf

[2Coalition Main rouge, « 10 milliards de solutions, pour une société plus juste ». En ligne : www.nonauxhausses.org/wp-content/uploads/10milliards.pdf

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