Dictionnaire critique de la globalisation. Les mots du pouvoir, le pouvoir des mots

No 25 - été 2008

Jacques B. Gélinas

Dictionnaire critique de la globalisation. Les mots du pouvoir, le pouvoir des mots

lu par Claude Vaillancourt

Jacques B. Gélinas, Claude Vaillancourt

Jacques B. Gélinas, Dictionnaire critique de la globalisation. Les mots du pouvoir, le pouvoir des mots, Montréal, Écosociété, 2008

Après La globalisation du monde (Éditions Écosociété, 2000), une excellente explication du phénomène de la globalisation et de la façon dont elle s’est implantée, Jacques B. Gélinas récidive avec un Dictionnaire critique de la mondialisation, solide ouvrage qui se démarque par les qualités reconnues de son auteur : un grand souci de clarté, une capacité à concevoir de larges synthèses, un esprit critique constamment en éveil. Plus qu’une réactualisation du précédent ouvrage, bien qu’il soit en parfaite continuité, ce dictionnaire permet de réorganiser la pensée de l’auteur selon le jeu qu’impose la rédaction d’un dictionnaire.

Le sous-titre du livre, Les mots du pouvoir, le pouvoir des mots, nous ramène à l’importance des mots et des concepts, à l’ambiguïté de leur utilisation, une ambiguïté qui a jusqu’ici largement profité aux puissants. Ainsi, l’auteur introduit des termes dont l’acception semble de prime abord positive, ou pour le moins confusément neutre, auxquels les technocrates de ce monde ont largement recours. Par exemple « programme d’ajustement structurel », « rationalisation », « consensus » (de Washington, de Monterrey), « partenariat public-privé », « agriculture productiviste », etc. Le détournement de sens de ces mots est rapidement dévoilé par l’auteur : à l’aide d’exemples nombreux et concrets, il démonte une rhétorique mise en place pour cacher une véritable prise de pouvoir par les intérêts financiers.

De façon contraire, Jacques B. Gélinas a choisi des mots qui évoquent sans détour une réalité crue, tels « écodésastre », « irresponsabilité sociale des transnationales », « spéculation », ou des manœuvres pour berner les citoyennes, tels « greenwashing » ou « enronisme ». L’article « cupidité » est en ce sens particulièrement révélateur. D’une façon audacieuse, et tout en évitant un jugement moralisateur, Gélinas nous ramène à l’une des causes les plus profondes des inégalités – peut-être la principale –, tout en rappelant qu’une « abondante littérature fait aujourd’hui l’éloge de la cupidité dans la conduite des affaires ».

Une grande partie du livre consiste à expliquer ce qui tient lieu de véritables créatures de la globalisation, qui prospèrent bien souvent dans le secret et découragent les profanes par leur fonctionnement énigmatique, par leur langage juridico-technocratique quasiment incompréhensible et par des sigles qui entretiennent la confusion : OMC, ADPIC, ALÉNA, APEC, NEPAD, AGCS, PSP, etc. Derrière ces nébuleux rassemblements de lettres se cachent pourtant des politiques qui affectent l’ensemble des populations et dont plusieurs ont des effets particulièrement néfastes. Avec la compétence qui est la sienne, Jacques B. Gélinas parvient à faire la lumière sur ces réalités complexes, à les expliquer avec des mots simples et accessibles à tous.

Pour ce dictionnaire, Jacques B. Gélinas a fait le pari de limiter les entrées, dont le nombre est de 82. Par contre, chacun des sujets est traité avec soin, l’auteur évitant le piège des raccourcis ou des explications qui restent en surface. La lecture des articles est facilitée par l’usage de puces, tableaux, intertitres, encadrés, passages en italiques, mots en caractère gras, qui permettent au lecteur de repérer rapidement ce qu’il cherche.

Ce dictionnaire se donne le qualificatif de « critique ». Jacques B. Gélinas ne parvient pas toujours à cacher ses indignations, à rester neutre devant les effets catastrophiques des phénomènes qu’il décrit. Cela n’entache en rien le sérieux de ses recherches et la rigueur de ses explications. Mais la remise en question radicale du processus de globalisation entreprise dans ce dictionnaire force le lecteur à envisager des solutions pour bâtir un monde meilleur. Des solutions abordées brièvement dans une postface intitulée « Perspectives d’alternatives », mais que les lecteurs et lectrices devront surtout retrouver dans le foisonnement des propositions mises de l’avant par les altermondialistes, syndicalistes et membres des mouvements sociaux.

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