De bonnes raisons de désobéir en 2016

No 63 - février / mars 2016

Éditorial du no 63

De bonnes raisons de désobéir en 2016

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Le Collectif de la revue À bâbord !

Nous vivons dans un ordre social, politique et économique injuste qui déjoue l’alternance politique pour éroder à la fois les acquis sociaux et la résistance. Plus cette injustice s’approfondit et plus les privilèges à protéger pour une minorité sont grands. Dès lors, la réponse donnée par les gouvernements à toute forme de contestation citoyenne est toujours plus répressive, protégeant ainsi la classe privilégiée proche du pouvoir.

Les gouvernements de divers niveaux utilisent des moyens déloyaux pour mettre fin au débat et aux grèves : lois spéciales et suspensions contre les syndicats, injonctions et coups de matraque contre les étudiant·e·s. La liberté d’expression et la dissidence inquiètent. Pour cette raison, on juge bon de les menacer. Même des mécanismes d’enquête officiels perdent leur légitimité, minant encore le lien de confiance entre la population et le gouvernement. Que dire, par exemple, de la Commission Charbonneau, qui s’est conclue sur une curieuse dissension engendrant la meilleure des portes de sortie pour le PLQ et les autres ?

Des institutions de participation locales ou décentralisées sont dénaturées ou oblitérées, comme les conseils scolaires, les agences de santé, les conférences régionales des élus ou les centres locaux de développement. Un lobbyiste de Trans-Canada fait partie de la Commission politique du Parti libéral du Québec, et au PLQ, on n’y voit pas d’inconvénient. Il est difficile alors de croire que les voies traditionnelles d’influence du gouvernement
seront suffisantes pour bâtir un projet de société en faveur du bien commun. Il nous apparaît donc clair que l’année 2016 doit être une année de désobéissance si nous souhaitons engendrer des victoires tangibles.

Austérité, répression et menaces environnementales

En 2015, des syndiqué·e·s ont tenté pour une rare fois de s’organiser à l’avance en cas de loi spéciale, ce qui impliquait de désobéir. Des syndicats locaux se sont dotés de plans d’action d’urgence ; des conseils centraux et régionaux ont appelé à un « rassemblement de casseroles » au lendemain d’une éventuelle adoption de la loi ; la Coalition « Main rouge » planifiait aussi des actions de perturbation. La Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ-CSN) a adopté une position de principe selon laquelle « la poursuite de la grève [après l’adoption d’une loi spéciale] peut constituer un geste de désobéissance civile légitime ». Malheureusement, chez les stratèges du Front commun, le recours à une loi spéciale n’a jamais été publiquement abordé comme un obstacle à dépasser, mais est demeuré une fatalité qu’on doit éviter en demeurant « raisonnable » ou « de bonne foi ». Tout semble indiquer qu’une large part du leadership syndical actuel intériorise toujours la violence législative de l’État employeur. Il est pourtant nécessaire de surmonter cet obstacle si on veut obtenir davantage que des ententes de principe acceptées à contrecœur.

Ensuite, dans le cas du droit de manifester, c’est la persistance de manifestant·e·s irréductibles qui a permis le jugement de la Cour supérieure du Québec de novembre dernier contre l’article 500.1 du Code de la sécurité routière, article qui crée un amalgame entre une manifestation et l’entrave à la circulation. Elles et ils ont considéré le droit de manifester comme un droit fondamental, malgré les douloureux arguments contraires utilisés par les forces policières. « L’importance de la manifestation découle de l’absence de moyens efficaces pour se faire entendre, ce qui est essentiel dans une société démocratique », rappelait Nicole Filion de la Ligue des droits et libertés. À la suite de cette importante décision, les pouvoirs législatifs et juridiques ont été forcés de reconnaître que la répression arbitraire des manifestations, particulièrement par des arrestations massives et sans dis- cernement, est inacceptable dans une « société libre et démocratique ».

Enfin, à l’échelle internationale, l’accord décevant qui résulte de la COP21 à Paris en décembre dernier appelle lui aussi à la désobéissance. Bien que certains groupes écologistes se soient montrés satisfaits de ce résultat, cette entente demeure inacceptable, n’étant en rien contraignante. Les bonnes intentions exprimées ne parviendront pas à motiver la transition écologique absolument nécessaire et urgente pour réduire les catastrophes causées par le réchauffement climatique. Les participant·e·s à un important contre-sommet parallèle ont appelé à une mobilisation soutenue contre les grands projets nocifs pour l’environnement, notamment liés à l’exploitation des énergies fossiles. Ici, au Québec, il faut empêcher à tout prix la construction de l’oléoduc Énergie Est. Un tel blocage serait une victoire considérable. Les routes de l’ouest et des États-Unis étant déjà fermées grâce à une remarquable résistance des populations locales, le pétrole sale des sables bitumineux n’aurait alors plus de voie de sortie.

Ces trois cas, et il y en a beaucoup d’autres, illustrent bien que la désobéissance civile est devenue aujourd’hui nécessaire, les gouvernements ne semblant plus défendre les intérêts de la majorité. Ils cherchent plutôt à s’imposer par la division et la peur. Pour nous, plus que jamais en 2016, il faudra désobéir ensemble pour faire valoir nos droits !

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