Comment le peuple juif fut inventé. De la Bible au sionisme

No 28 - février / mars 2009

Shlomo Sand

Comment le peuple juif fut inventé. De la Bible au sionisme

Lu par Rachad Antonius

Rachad Antonius

Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé. De la Bible au sionisme, Paris, Fayard, 2008, 446 p.

Shlomo Sand s’intéresse à l’identité politique du peuple juif et démontre que ce peuple est, en termes historiques, tout à fait normal : il a des origines multiples et très variées, et il a bénéficié dans sa composition démographique de l’apport de nombreux autres peuples. De plus, comme les autres peuples, il a ses mythes fondateurs, le plus important d’entre eux étant que le peuple juif forme une unité qui s’est perpétuée au fil des siècles. Le livre est un best-seller en Israël. Un bref compte-rendu ne lui rendra sans doute pas justice.

Dans son avant-propos, il raconte les histoires individuelles de personnes qu’on aurait pu classer comme « mono-ethniques », mais qui se trouvent à avoir des identités multiples, hybrides, complexes qui défient toute classification et dont les destins s’entrecroisent de façon inattendue. Il entame ensuite une réflexion sur l’identité, la mémoire et la philosophie de l’histoire. Il critique l’historiographie officielle israélienne qui considère que : « La mémoire greffée de tout Israélien d’origine juive ne saurait évidemment être comparée à ses mythologies échevelées ! N’y figurent que des vérités solides et précises. Chaque Israélien sait, sans l’ombre d’un doute, que le peuple juif existe depuis qu’il a reçu la Torah dans le Sinaï, et que lui-même en est le descendant direct et exclusif […] »

Sa thèse principale est à l’effet que « les juifs ont toujours formé des communautés religieuses importantes qui sont apparues et ont pris pied dans diverses régions du monde et ne constitue pas un ethnos porteur d’une même origine, unique, qui se serait déplacé au cours d’une errance et d’un exil permanents. »

Pour sa démonstration, il conteste deux idées fondamentales. La première est que le peuple juif fut chassé de la Palestine antique en l’an 70 de notre ère. Et la deuxième est que les diverses communautés juives autour du bassin de la Méditerranée étaient issues de l’immigration juive qui a suivi cet exil. Il démontre, en se référant à de nombreuses sources d’auteurs juifs sionistes ou non sionistes ainsi qu’à des auteurs non juifs, que d’abord une portion importante des occupants actuels de la Palestine historique sont en effet des descendants de communautés juives qui n’ont pas été exilées mais qui se sont converties au christianisme d’abord, puis en partie à l’islam. Il démontre aussi que les diverses communautés juives autour du bassin méditerranéen sont le résultat de conversions, à un moment où le prosélytisme était un trait de la religion juive. Pour démontrer cette tendance au prosélytisme, il propose trois types d’arguments. 1. Un argument démographique : l’étendue et la taille des communautés juives n’aurait pas pu être le résultat de la seule immigration juive. 2. Un argument idéologique : le prosélytisme était favorisé par les penseurs juifs de l’époque. 3. Un argument documentaire : il cite de nombreux auteurs des premiers siècles de notre ère, juifs ou non juifs, qui font état des conversions. Dans les chapitres suivants, il examine séparément l’histoire de diverses communautés juives (au Yémen, en Afrique du Nord, celle des Kagans et des Khazars, celles de l’Europe de l’Est) pour démontrer leurs origines locales résultant de conversions, et non pas issues de l’immigration juive de Palestine.

Tout comme les nouveaux historiens israéliens qui ont transformé les perceptions israéliennes de l’histoire récente, ce livre aura sans doute un apport majeur pour l’historiographie israélienne qui s’intéresse aux origines du peuple juif.

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