Bilan du gouvernement Harper

No 34 - avril / mai 2010

Politique et trahison des valeurs canadiennes

Bilan du gouvernement Harper

Philippe Viel

Voilà maintenant quatre ans que le gouvernement Harper est au pouvoir, toujours minoritaire, élu par à peine 35 % de la population, dans un contexte où 40 % des Canadiens et Canadiennes n’ont pas voté. Il est temps d’évaluer « notre » gouvernement.

Torture de prisonniers sous la responsabilité canadienne : les mensonges !

Le diplomate canadien Richard Colvin, qui était en poste en Afghanistan, a révélé que des soldats canadiens présents en Afghanistan ont laissé au moins un détenu afghan sous les mains des autorités du pays, sachant très bien qu’il risquait d’être torturé. Révélations appuyées par le chef d’état major de l’armée canadienne, le général Walter Natynczyk. Ce qui est interdit selon la Convention de Genève dont le Canada est signataire.

En agissant de la sorte et en brimant les droits des détenus de cette guerre à l’issue impossible, le Canada devient criminel de guerre. Est-ce que toute notre diplomatie est menacée par ce contrôle que nous pouvons désormais qualifier d’idéologique ?

Et en échappant avec la récente prorogation du Parlement et du même coup à ses obligations auprès de la Chambre des communes qui lui
ordonnait de remettre au Parlement tous les documents relatifs à l’enquête concernant ces allégations sur le sort des prisonniers afghans, « notre » gouvernement Harper démontre à quel point il se fout des institutions canadiennes, et par la bande des citoyens.

Politique environnementale : la tête dans le sable bitumineux

Aux yeux de tous les acteurs internationaux et contre l’opinion de la majorité de la population, le Canada a été ridiculisé lors du sommet de
Copenhague, récoltant tous les prix soulignant son imbécillité.

Rappelons que l’extraction des sables bitumineux, qui pollue 3 à 5 fois plus que l’extraction traditionnelle du pétrole, pollue des cours d’eau et empoisonne les populations canadiennes (Premières Nations) qui se nourrissent maintenant de poissons contaminés.

Au lieu de miser sur des innovations permettant de produire de l’énergie propre, « notre » Premier Ministre persiste et signe : cancres, nous resterons cancres. Et au diable le progrès !

Droits des canadiens détenus à l’étranger : deux niveaux de citoyenneté ?

Au cours des dernières années, « notre » gouvernement Harper a tenté par tous les moyens de brimer les droits des Canadiens détenus à l’étranger. Et le ministre de la justice se donne maintenant le droit « absolu » d’accorder ou non le droit au citoyen canadien détenu à l’étranger d’être transféré à une prison canadienne.

Rappelons que le taux d’acceptation de transferts est passé de 98 % en 2005-06 à 27 % en 2009-10. Est-ce que notre ministre a obtenu
le mandat des Canadiens et Canadiennes de changer les lunettes du système judiciaire ? S’agit-il d’un ajustement idéologique ?

Qu’arrivera-t-il à un détenu injustement emprisonné ? Les histoires et incarcérations de Maher Arar ou Omar Kadhr font frémir.

Suis-je encore un citoyen canadien lorsque je voyage à l‘étranger ? Selon « notre » gouvernement, ça dépend de l’humeur du ministre !

Appui aux minières canadiennes : la tête dans le trou

La lecture du brûlot Noir Canada, de M. Alain Deneault, donne froid dans le dos. Et l’absence de volonté de « notre » gouvernement à légiférer dans ce domaine, la nausée.

En refusant d’appuyer les recommandations faites par les Tables rondes sur l’industrie minière (besoin urgent de mandater un ombudsman indépendant chapeautant l’industrie, adoption de normes sociales obligatoires encadrant les activités des compagnies canadiennes à l’étranger, etc.), « notre » gouvernement devient par le fait même complice des actions atroces commises par les minières canadiennes à l’étranger.

Et pire encore : le nouveau comité créé par « notre » gouvernement, où siègeront des individus nommés par celui-ci (?), n’imposera pas de restrictions ni de conséquences aux activités répréhensibles des minières. Et elles continueront de polluer, faisant fi des droits et libertés des populations locales.

Détérioration de la culture canadienne – vive le conformisme imbécile !

Harper montre ses crocs aux artistes canadiens, qui ont vu plusieurs programmes et subventions disparaître. Et c’est tout le rayonnement international de notre culture qui disparaît en même temps.

Et cette culture rapporte ! Près de 25 milliards en impôts et taxes autant au niveau municipal, provincial que fédéral en 2007. Et 85 milliards en bénéfices directs et indirects [1]. Nombreux (1,1 million, en fait) sont les artisans qui travaillent sur la scène et qui voient présentement leurs salaires et carrières vaciller.

Pour un gouvernement qui se préoccupe de l’économie, de la création d’emploi, il y a une industrie propre qui génère des millions en profits et qui emploie des milliers de travailleurs. Une crainte que l’artiste le dénonce ? Coupures en culture = coupures de la liberté d’expression ?

L’abolition du registre national des armes à feu – prévenir le crime, c’est chiant et ça coûte trop cher !

L’objectif de « notre » gouvernement est d’abolir l’enregistrement des armes de chasse et le renouvellement des permis aux cinq ans. À la veille
du 20e anniversaire de Polytechnique, le ministre Jean-Pierre Blackburn soutenait même : « C’est une complication additionnelle, c’est une paperasserie que le commun des mortels, le citoyen haït ». Bravo.

Ce qui va à l’encontre de toutes les recommandations des spécialistes du pays, qu’ils soient des différentes fraternités de policiers ou du niveau communautaire. Les statistiques officielles vont dans le même sens : de 1995 à 2005, les décès et blessures par balles sont passés de 1125 à 818. De 1995 à 2007, les homicides par armes d’épaule ont diminué de presque 50 % (de 61 à 32). Depuis 1995, les homicides de femmes par armes à feu ont diminué de 30 % pendant que les autres homicides de femmes croissaient de 16 % [2].

Il est vrai que les premières années d’implantation ont été catastrophiques, mais il en coûte présentement 3 millions annuellement pour maintenir ce système qui est utilisé plus de 10 000 fois par jour par les policiers canadiens.

Nation devenue belliqueuse : la Force de paix, concept développé par Pearson, est maintenant devenue une Force guerrière

Alors que les services sociaux se détériorent partout au pays, « notre » gouvernement décide d’investir des sommes records pour l’achat de nouveaux équipements militaires. Et tant pis pour l’économie !

Le Canada est en guerre, oui, mais la majorité des Canadiens et Canadiennes ne veulent plus de cette guerre. Finie la voie diplomatique de la main tendue dans cette guerre en Afghanistan, où l’on nous fait croire qu’on agit pour le bien des Afghans, alors que l’objectif réel pour les Américains et leurs alliés est le contrôle de la région et de ses énergies.

Les récentes coupures dans les ONG effectuant un réel travail de développement en Afghanistan, en Irak ou en Palestine, démontrent que le développement de projets pour les populations locales n’intéresse plus « notre » gouvernement frondeur et belliqueux.

Bilinguisme national – Le français langue officielle ?

Qu’il s’agisse de Transport Canada qui ne fait pas de suivi dans les dossiers de plaintes concernant la disponibilité des services bilingues, de même que chez Via Rail et Air Canada, qu’il s’agisse aussi de l’abandon du partenariat interministériel avec les communautés de langue officielle en milieu minoritaire qui favorisait le maintien de services bilingues entre les communautés linguistiques minoritaires et les organismes fédéraux, le français partout au Canada bat de l’aile. Et ce alors que les lois sur les langues officielles exigent que « notre » gouvernement favorise l’épanouissement des minorités francophones et anglophones partout dans le pays.

Et que dire du retard important sur ce dossier en ce qui regarde les Jeux olympiques d’hiver ou de l’état lamentable des services bilingues dans les aéroports du pays ?

Où va le bilinguisme en 2010, M. Harper ? Comprenez-vous la question, M. Harper ?

Droits et libertés : liberté d’expression – Taisez-vous !

Aux ONG canadiennes, comme Kairos ou Alternatives, qui osent critiquer les positions de « notre » gouvernement sur ses politiques et décisions discutables, le financement est coupé !

Pour les commissaires, comme Mme Linda Keen qui a osé affirmer pour la sécurité de la population que les installation nucléaires de Chalk River devaient être remises à neuf : dehors !

Pour le commissaire des plaintes du public contre la GRC, M.Paul Kennedy, qui a publié deux rapports accablants sur les pratiques de la GRC : taisez-vous !

Et aussi pour les citoyens, comme les écrivains de Noir Canada, où « notre » gouvernement permet encore aux entreprises canadiennes de lancer des poursuites baillons (SLAPP) contre ceux qui enquêtent sur des réalités qui doivent être dénoncées : fermez-la !

Et pour combien d’autres encore, à qui « notre » gouvernement a coupé le droit de parole ?

Principes d’équité : la politique rétrograde de « notre » gouvernement

En empêchant le recours à la Commission canadienne des droits de la personne pour exiger l’équité salariale, Harper empêche des milliers de femmes travaillant pour la fonction publique d’obtenir pour un travail semblable le même salaire qu’un homme. Et il base sa théorie sur le concept de la concurrence du marché. Comme quoi le droit des femmes d’obtenir un salaire juste et équitable est monnayable, alors qu’en
moyenne et pour un travail équivalent les femmes gagnent 72,5 cents pour chaque dollar gagné par un homme. Retour en arrière ?

L’ONU regarde de près ce dossier, par le biais de la Commission de la condition de la femme des Nations unies.

« Notre » gouvernement Harper en se foutant des institutions canadiennes se fout aussi des citoyennes et citoyens. Qu’avons-nous à faire pour que ce gouvernement redevienne le nôtre ?

Vidéo des Alter Citoyens sur le gouvernement Harper

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