Raggamuffin, tchatche et gnawa

No 01 - sept. / oct. 2003

Musiques

Raggamuffin, tchatche et gnawa

par Claude Rioux

Claude Rioux

Devant des sénateurs repus et des députés suffisants, la comandante Ester l’a exprimé de façon magistrale alors qu’elle parlait au nom des Indiens rebelles du Mexique : « nous sommes égaux parce que nous sommes différents ». L’idéal d’égalité dans la diversité s’exprime aujourd’hui avec force dans la musique de nombreuses formations de l’Hexagone qui, tout en revendiquant une identité propre (maghrébine, occitane ou autre), pimentent sans retenue la chanson française avec du reggae, du ska, du rap et du raï.

Massilia sound system, pionnier des groupes du genre et porte-étandard du raggamuffin, vient nous ramoner le tympan avec un album tétanisant : Occitanista (sorti en août en copie canadienne). Rajoutant pour la première fois batterie et guitare à leur arsenal, les Massilia invitent à la fête, bien sûr, mais aussi à l’engagement local (« Le repas de quartier ») et international. À preuve la reproduction dans la pièce « Mazurkà planetària » de l’émouvant discours de Thomas Sankara prononcé à Addis-Abeba en 1986, et qui se termine par ces paroles prophétiques : « si le Burkina Faso tout seul refuse de payer la dette, je ne serai pas là à la prochaine conférence ». Le président burkinabé a été assassiné l’année suivante…

La tchatche – ne pas confondre avec le chat des internautes – est cet art oratoire de la rue, curieux mais ô combien riche croisement entre la tradition orale africaine, le rap des villes du monde et la grande gueule bien franchouillarde. Duel de tchatche (en importation seulement) est le quatrième album des Fabulous trobadors, duo toulousain qui maîtrise la rime comme Bush le mensonge : avec brio. Sur une musique minimaliste (tambourine et bruits de bouche), on trouve des mélodies superbement naïves (« Bonne nuit ») et des déclamations rythmées qui pourraient faire songer à des mantras révolutionnaires.

Le gnawa (ou gnaoua), ce rythme originaire du Maghreb, entretenu par des confréries rassemblant d’anciens esclaves provenant d’Afrique noire mêlés aux Berbères et aux Arabes, est à mille lieues des balades de Khaled, le crooner apolitique que les radios commerciales présentent, avec Rachid Taha en arrière-plan, comme le seul ambassadeur de la musique d’Afrique du Nord. Le groupe Gnawa diffusion n’a heureusement pas cette ambition, mais celle – pas nécessairement plus modeste – de combattre la bêtise peu importe où elle se trouve, qu’elle soit revêtue d’une djellaba ou d’un complet veston. Rassemblant des maghrébins et des Français, Gnawa Diffusion en est à son quatrième album. Souk system (en importation seulement), s’il vient à être connu dans les chaumières québécoises, sera sûrement un incontournable des fêtes de solidarité, avec les chansons anti-guerre « Itchak el baz » et « Tête-à-tête avec Bagdad ».

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