Les Berbères et l’arabo-islamique en Algérie

No 03 - janvier / février 2004

Amar Ouerdane

Les Berbères et l’arabo-islamique en Algérie

lu par Mouloud Idir

Mouloud Idir

Amar Ouerdane, Les Berbères et l’arabo-islamique en Algérie, Éd. KMSA, 2003.

Qui d’entre nous n’a pas entendu parler des événements d’avril 2001 dans cette région berbérophone d’Algérie qu’est la Kabylie ? Les médias québécois et internationaux ont largement couvert ce soulèvement, lequel dévoilait la nature fascisante du régime militaire algérien. La répression fut féroce : plus d’une centaine de jeunes assassinés. C’est sans parler des éclopés.

Quelles sont les raisons de cette révolte et pourquoi le régime algérien répond-il si violemment ? Pour en saisir les contours, Les Berbères et l’arabo-islamisme en Algérie, du politologue canadien d’origine algérienne Amar Ouerdane, s’avère très utile.

L’interrogation qui anime l’auteur consiste à décrypter les soubassements idéologiques sur lesquels s’appuient les régimes successifs algériens pour nier la réalité berbère de l’Algérie. Cette négation se fait au profit d’une définition arabo-islamique de la nation algérienne, socle d’une idéologie à caractère national-populiste dont les fondements se situent dans le panarabisme des années 50-60 à visage tiers-mondiste et à forte inflexion baathiste (du parti Baas).

Globalement, ce livre nous permet de comprendre pourquoi le régime algérien ne peut s’accommoder d’aucun pluralisme, qu’il soit culturel, politique ou linguistique. Par ailleurs, Ouerdane précise que la revendication berbère n’est nullement de nature nationale ou sécessionniste, mais plutôt d’essence démocratique. Elle permet de saisir le capital symbolique dont est porteur la culture, qui constitue l’axe autour duquel sont développés les thèmes de la propagande et de l’agitation des masses populaires et du pouvoir central.

À titre d’exemple, la révolte d’avril 1980 en Kabylie, mieux connue sous le terme de printemps berbère, constitue une réponse à l’occultation des contradictions culturelles en Algérie. Elle a contredit de nombreux auteurs et analystes qui avaient voulu démontrer l’existence d’une seule et unique contradiction : celle opposant la culture arabo-islamique et la culture française. Le soulèvement de 1980 impose la reconnaissance d’une autre contradiction fondamentale, laquelle se dresse entre les masses populaires berbérophones et la bourgeoisie dominante. Ici, l’auteur oublie cependant de mentionner que les masses arabophones vivaient aussi ces contradictions !

L’auteur relate bien ces enjeux dans le troisième chapitre de l’ouvrage, dans lequel il montre le profil patrimonialiste du capitalisme d’État algérien, qu’on présentait sous les oripeaux du « socialisme spécifique ». La propagande algérienne des années 60-70 exploitait largement cette vitrine tiers-mondiste, pseudo-progressite et anti-impérialiste, au profit d’une intelligentsia occidentale bien pensante.

Par ailleurs, nombreux sont les militants qui, en luttant pour la reconnaissance constitutionnelle des langue et culture berbères, se battaient parallèlement pour la création de comités autonomes à l’université et à l’usine, pour l’autonomie syndicale, pour la sécularisation du politique à l’égard du religieux, pour l’amélioration des conditions de la femme et surtout pour la reconnaissance, en 1986, de la première Ligue algérienne des droits humains (LADDH), avec l’aide notamment de militants en exil et de l’opposant Hocine Aït Ahmed. Tout cela fut en fait le prélude à la très courte ouverture démocratique de la fin des années 80 qui allait consacrer le multipartisme.

Ouerdane achève son ouvrage par un épilogue qui nous permet de saisir quelques uns des enjeux liés à « l’ouverture démocratique » du début des années 1990. Les enjeux induits par l’ouverture économique et le basculement dans la privatisation de la violence qui s’en est suivie ont permis de constater la nature hétéroclite des discours actuels sur le registre berbère.

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