Dossier : L’avortement, un droit

L’accès aux services d’avortement au Québec

par Nathalie Parent

Quand on se regarde, on se désole, quand on se compare, on se console. Cet adage est particulièrement vrai lorsqu’on examine l’accès à l’avortement au Québec. Avec près de 50 points de services, le Québec est la province la mieux nantie en la matière au Canada, et ferait même l’envie de plusieurs pays à travers le monde. Pourtant, tout n’y est pas parfait !

Toutes les régions du Québec offrent minimalement l’avortement de premier trimestre, et quatre points de services, coordonnés entre toutes les régions, assurent l’accès à l’avortement de deuxième trimestre. Les services sont offerts principalement par les établissements du réseau public (40), ainsi que par trois centres de santé des femmes et quatre cliniques privées, toutes situées à Montréal.

Malgré les apparences, l’accès aux services d’avortement demeure tout de même semé d’embûches. La distance à parcourir pour se rendre au seul point de service régional peut être importante pour les femmes de certaines régions et la qualité des services offerts est inégale. La pratique de prise de rendez-vous par répondeur semble se répandre alors que l’on sait qu’elle pose problème sur le plan de la confidentialité. De plus, le nombre de médecins pratiquant des avortements demeure très limité, certains pratiquant dans plusieurs établissements ou dans plusieurs régions. L’accès aux services varie donc en fonction de leur disponibilité et il arrive que le service soit interrompu lors des vacances ou lorsque le seul médecin qui pratique quitte la région.

Bien que le Québec ait toujours été à l’avant-garde en matière de services d’avortement, ces derniers n’ont pas échappé à la vague de restrictions budgétaires des années 1990 et n’ont pas toujours reçu une attention adéquate. Plusieurs établissements ferment leurs services d’avortement et les intervenantes maintiennent les services avec des budgets dérisoires. Ce n’est qu’en 2001 qu’une nouvelle injection de fonds a été faire, permettant la consolidation et le développement du réseau actuel. Malgré cela, le réseau public répond difficilement à la demande et les délais d’attente peuvent se prolonger jusqu’à cinq semaines dans certains établissements.

Cette situation, entre autres, amène de nombreuses femmes à se tourner vers les cliniques privées, et ce, malgré le fait qu’elles doivent débourser plusieurs centaines de dollars pour y obtenir un avortement. Au début des années 2000, le tiers des avortements pratiqués au Québec est effectué en cliniques privées. La question de la gratuité des services demeure donc toujours un grave problème. En 2006, un recours collectif au nom des femmes ayant dû payer leur avortement a été intenté contre le gouvernement du Québec. Cette procédure judiciaire met en évidence le fait que le réseau public n’est pas en mesure de dispenser tous les services d’avortement et que le gouvernement contrevient à sa propre Loi sur l’assurance maladie en laissant des femmes payer pour un service qui doit être assuré par l’État. Le jugement condamne donc le gouvernement du Québec à verser plus de 13 millions de dollars aux femmes qui ont payé un avortement entre 1999 et 2006. D’emblée, la gratuité du service d’avortement est reconnue sans conteste, ce qui constitue une victoire importante pour les femmes du Québec. Par contre, des préoccupations demeurent quant à la place du privé dans l’offre de services publics en santé [1].

De plus, si le jugement règle la question de la gratuité pour les femmes touchées par le recours collectif, la situation ne change pas pour autant pour les autres. Il aura fallu attendre plus d’un an avant qu’une solution à long terme au problème de gratuité ne soit trouvée. Ainsi, en janvier 2008, le gouvernement s’est entendu avec les cliniques privées et le Centre de santé des femmes de Montréal afin que la gratuité des avortements qui y sont pratiqués soit garantie. Un centre de coordination a aussi été mis sur pied afin d’aider les femmes de Montréal à trouver un endroit pour un avortement de premier trimestre dans un délai de moins de 14 jours. Désormais, si une femme n’obtient pas de rendez-vous après avoir contacté un établissement, elle sera référée au centre de coordination qui trouvera un rendez-vous pour elle. Cette nouvelle mesure est trop récente pour être évaluée, mais elle devrait réduire de façon importante les démarches que les femmes devaient faire auparavant et leur éviter de débourser le coût de l’avortement. Elle devrait aussi contribuer à améliorer l’accès aux services d’avortement dans le réseau public, entre autres en réduisant les listes d’attente de façon significative.

Si le Québec peut se comparer avantageusement à bien d’autres endroits en termes d’offre de services, force est de constater que l’accès et la qualité des services d’avortement restent insatisfaisants et que leur amélioration doit rester une préoccupation.


[1Voir Marie-Claude Prémont, « Accès à l’avortement, le gouvernement doit payer », AB !, no 17, décembre 2006 / janvier 2007.

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