Le viol comme arme de guerre

No 40 - été 2011

International

Le viol comme arme de guerre

Ghislaine Sathoud

Disons-le d’emblée : dans les conflits passés, récents et en cours, de manière constante et immuable, les femmes sont tout particulièrement exposées à des atrocités inimaginables qui bafouent leurs droits les plus élémentaires. Le viol n’en est qu’une (et pas des moindres) de ses multiples manifestations. Malheureu­sement, le problème est toujours d’actualité. Où en est la mobilisation autour de cet enjeu  ?

En 2009, le Conseil de l’Europe faisait le constat suivant : « Aujourd’hui, les principales victimes de ces crimes se trouvent dans la République démocratique du Congo (particulièrement dans le Kivu) – où l’on a pu dire qu’il est plus dangereux d’être une femme qu’un soldat – et au Soudan (notamment au Darfour). Toutefois, la violence sexuelle contre les femmes a aussi été une caractéristique des guerres des Balkans il y a à peine plus de dix ans. Aujourd’hui encore, les chiffres exacts sont contestés, mais l’on estime que plus de 20 000 femmes bosniaques, croates et serbes ont subi un viol, souvent collectif, et que certaines ont été asservies sexuellement et fécondées de force dans ce que l’on a appelé des « camps de viol » par des armées et groupes paramilitaires [1]. »

Les violences sexuelles contre les femmes peuvent revêtir plusieurs aspects. Les milices, qui professent ouvertement leurs pensées machiavéliques, usent et abusent de toutes sortes de stratagèmes, se servant des moyens matériels en leur possession pour semer la terreur. Le viol de guerre, tout particulièrement, est une violation flagrante des droits de l’homme. Les tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie l’ont d’ailleurs reconnu comme un crime contre l’humanité. La lutte contre les violences sexuelles est ainsi devenue une préoccupation planétaire. Il est alors légitime de se poser la question suivante : cette mobilisation parviendra-t-elle à éradiquer un fléau qui remonte à la nuit des temps  ?

Les violences en Afrique

Depuis plusieurs décennies, le continent africain est en proie à des guerres interminables. Que vivent les Africaines dans ce contexte de profondes turbulences sociales et de conflits prolongés  ?

Innocent Biruka relate la dure réalité de cette partie de la population vulnérable et désarmée  : « Du Soudan à l’Angola, de la Sierra Léone à la Somalie, en passant par la RDC et le Rwanda, les faits établissent clairement que ce sont les femmes et les enfants qui payent le plus lourd tribut aux faiseurs de guerre. La tendance actuelle montre que, tout en étant les plus grandes victimes des conflits armés, les femmes et les enfants en deviennent des acteurs de premier plan. En effet, l’espoir de victoire politique et militaire des belligérants repose, d’une part, sur la participation active des femmes comme instruments de guerre et, d’autre part, sur la réaction défaitiste de ces dernières qui, une fois terro­risées et exaspérées, exigent à tout prix l’arrêt des combats [2]. » Le constat est accablant : le viol des femmes et des filles est utilisé comme une arme de guerre.

Plusieurs voix s’élèvent – non sans raison – pour dénoncer cette odieuse pratique. Ce problème est, en effet, vivement décrié par la communauté internationale. Cette attitude s’est traduite concrètement par l’adoption de plusieurs mesures pour lutter contre les violations des droits humains. À l’instar de ce qui se fait au sein des instances onusiennes, les ONG. effectuent un travail fort intéressant pour sensibiliser l’opinion publique mondiale. Par exemple, en 2004, Amnistie internationale rendait public un rapport intitulé Les crimes commis contre les femmes lors des conflits armés.

Plus récemment, un rapport des Nations unies a fait couler beaucoup d’encre. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a publié le rapport du « Projet Mapping  », qui recense les exactions commises en République démocratique du Congo entre 1993 et 2003. On y retrouve des informations alarmantes  : « Fréquemment, la violence sexuelle a été utilisée pour terroriser la population et l’asservir. Les différents groupes armés ont commis des violences sexuelles qui s’inscrivent dans le cadre de véritables campagnes de terreur. Viols publics, viols collectifs, viols systématiques, incestes forcés, mutilations sexuelles, éventrations (de femmes enceintes dans certains cas), mutilation des organes génitaux, cannibalisme sont autant de techniques de guerre qui ont été utilisées contre la population civile dans les conflits entre 1993 et 2003. [3] »

Ces constats confirment que, malgré tous les efforts consentis pour enrayer cette violence, il y a loin de la coupe aux lèvres. Les effets de ces crimes sexuels sont dévastateurs. Au-delà de la traumatisante expérience, les femmes sont susceptibles d’être abandonnées et stigmatisées par leurs proches et les autres. C’est ainsi toute la cohésion d’une communauté qui peut être brisée. Sans oublier que le sida se propage énormément à la suite de ces abus, ce qui est en soi lourd de conséquences.

En somme, la gravité et l’étendue de ces abus sont une raison de plus pour mettre tous les efforts possibles dans la prévention des conflits à travers le monde et pour intégrer les femmes dans les processus de reconstruction de la paix.


[1Conseil de l’Europe, Les violences sexuelles contre les femmes dans les conflits armés, p. 2. http://assembly.coe.int/

[2Innocent Birika, La protection de la femme et de l’enfant dans les conflits armés en Afrique, Paris, Éditions L’Harmattan, 2006, p. 57.

[3ONU, République démocratique du Congo, 1993-2003 – Rapport du Projet Mapping, p. 327. http://www.ohchr.org/

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