Dossier : Santé - État d’urgence

Présentation du dossier du no. 43

Santé - État d’urgence

Daniel Chapdelaine, Lucie Mercier, Magaly Pirotte, Claude Vaillancourt

Depuis de nombreuses années, les questions lieées au système de santé occupent le devant de la scène politique et médiatique. À juste titre d’ailleurs, car l’accès aux soins et la qualité des services offerts à la population québécoise dépendent de ces débats et des décisions prises.

Mais en amont de cela, il importe aussi de se poser des questions fondamentales : qui a droit à la santé et aux soins, et sous quelles conditions ? Car bien que le Québec ait un système de santé en principe universel et gratuit, dans les faits, de nombreuses personnes n’y sont pas admissibles ou n’y ont pas accès pour des raisons administratives, structurelles ou humaines, notamment : les immigrantEs reçuEs arrivés depuis moins de trois mois ; tous les types de « sans papiers » (immigran- tEs non reçus, itinérantEs, ex-détenuEs, personnes transsexuelles) ; les personnes en situation de handicap moteur (inaccessibilité des centres de soins et des tables d’examen) ou avec des troubles mentaux (incapables de patienter 12 ou 24 heures aux urgences), etc. Bref, même si nous n’en traitons pas explicitement dans ce dossier, il importe de garder cet état de fait à l’esprit afin que nos réflexions et nos luttes pour un meilleur système de santé soient réellement inclusives.

Autre question fondamentale : qu’est-ce que la santé ? Car de la façon dont on perçoit la santé découle la façon dont on pense le soin, et donc le système de santé et son financement. Or, la tendance qui se dessine de plus en plus est de considérer la santé comme un capital individuel et génétique, que l’on fait fructifier à l’aide de saines habitudes de vie. Responsabilité individuelle, qui se combine à une pénurie des moyens. On abandonne peu à peu la perspective de la responsabilité partagée pour adopter une vision comptable et individualisée du soin : pourquoi l’ensemble de la société devrait-il payer pour le cancer de celui qui fume, pour les problèmes cardiovasculaires de l’obèse ou pour l’hépatite de la consommatrice de drogue ? Chacune et chacun étant considérés comme responsables de leur santé, le concept de l’utilisateur-payeur se trouve ainsi justifié.

Le texte d’ouverture du dossier porte sur la Charte d’Ottawa et les recherches en santé publique et nous confirme ce que l’on sait depuis des décennies : la santé est avant tout sociale et les conditions de santé de la population dépendent plus des politiques de lutte contre les inégalités que de la consommation individuelle de brocoli. Malgré ces constats, le filet de sécurité sociale ne cesse de s’amenuiser et l’environnement de se dégrader, ce qui a des impacts directs sur la santé des QuébécoisEs. Et le système engorgé, ne suit plus. Situation à laquelle les gouvernements répondent toujours de la même façon : plus de compressions, plus de privatisation, plus de PPP et plus de frais pour les utilisateurs et utilisatrices du système. Avec pour conséquence la consolidation d’un système de santé à deux vitesses, déterminé par notre capacité individuelle de payer.

Ces choix politiques ont un impact sur l’accès et la qualité des soins, notamment pour les personnes avec des besoins spécifique. Dans un système à bout de souffle, on assiste à une déshumanisation progressive des soins de santé qui ne laisse que peu de place à la dignité des patientEs. Les travailleuses et travailleurs de la santé sont aussi touchés et dénoncent des conditions de travail intolérables. Les groupes communautaires sont quant à eux confrontés à un accroissement des demandes de la part de populations vulnérables rejetées par le réseau de la santé. La situation est intenable. Tout cela au nom de la pénurie de moyens et d’argent. Mais y a-t-il vraiment pénurie ? Et si on revoyait plutôt la façon dont l’argent est dépensé dans le domaine de la santé ? Par exemple en repensant les politiques de financement (subventions) de la recherche et du développement des médicaments...

À notre santé ! [1]


[1En complément de ce dossier, on pourra consulter le dossier de la revue Vie économique (automne 2011) : « Comment va la santé ? » (www.eve.coop).

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