Deux roues, un avenir

No 35 - été 2010

Claire Morissette

Deux roues, un avenir

Jean-Marc Piotte

Claire Morissette, Deux roues, un avenir - Le vélo en ville, Montréal, Écosociété, 2009, 253 p.

La regrettée Claire Morissette était, avec Robert Silverman, une des leaders du Monde à bicyclette qui se distinguait par des manifestations « théâtrales » qui attiraient l’attention des médias et dont peut s’inspirer tout mouvement qui veut contester le désordre établi et faire la « vélorution ». Le MAB a joué, avec Vélo-Québec, un rôle déterminant pour élargir l’espace vital alloué au vélo à Montréal et au Québec.

Claire Morissette est une écocycliste. La bicyclette, qui était au début du XXe siècle le moyen de transport numéro un, est, à partir du milieu des années 1930, détrôné par l’automobile (voir dans le chapitre 5, son instructive histoire du vélo). L’auteure décrit très bien les maux engendrés par la civilisation de l’automobile : pollution atmosphérique et acoustique, étalement urbain désastreux, coût élevé pour les ménages et la société, extension de dépotoirs pour pneus et piles usagés, etc. Elle y oppose les vertus du vélo qui est économique, écologique, source de plaisir et dont la pratique favorise la santé. La rationalité la plus élémentaire montre que le XXIe siècle doit subordonner l’usage de l’auto au transport en commun jumelé aux vélos. Or, nos gouvernements continuent de dilapider des milliards de dollars dans des projets nuisibles, comme le prolongement de l’autoroute 25 et la restauration proposée de l’échangeur Turcot. Pourtant, l’aggravation de la congestion automobile est un mal porteur de changements, en étant combinée avec le développement du transport en commun : « Le temps du chacun-pour-soi est révolu […] Pour mettre l’auto en échec, il faut donc procéder comme on le fait déjà pour la cigarette : une campagne éducative doublée de mesures restreignant l’espace accordé aux habitués qui ne peuvent se départir de leur mauvaise habitude. Comme les fumeurs sont maintenant de plus en plus confinés dans des fumoirs, les automobilistes seront bientôt relégués dans leurs couloirs et leur nuisance sera enfin sous contrôle. »

L’auteure est également une cycloféministe. Il faut lire à ce propos l’émouvant chapitre 5 où elle décrit les luttes historiques des femmes pour que leur soit reconnu le droit de pédaler.

Enfin, Claire Morissette est une amoureuse du vélo. Ici et là, et souvent à la fin des chapitres, se trouvent des envolées qui laissent transparaître cette grande passion.

Les deux derniers chapitres sont consacrés à la découverte de cet instrument de locomotion qu’est la bicyclette et à des conseils techniques sur l’art de pédaler. La passion du vélo vient avec l’usage. À Montréal, ça prend du temps avant de se sentir en sécurité. Il faut apprendre à prévoir l’automobiliste qui te coupe ou ouvre sa portière sans te voir, le piéton qui traverse la piste cyclable sans regarder (ce qui est très fréquent, face à la Bibliothèque nationale) ou le cycliste qui change de voie ou freine rapidement sans le signaler. Mais, avec le temps, l’expérience entre, un sixième sens se développe et la crainte disparaît. On peut alors passer à l’étape suivante, jouissive et fascinante : circuler dans les rues en plein hiver !

On doit donc remercier Écosociété d’avoir réédité cet ouvrage remarquable, paru d’abord en 1994, tout en lui reprochant de ne pas avoir mis à jour des données dont les plus récentes remontent à 1992.

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