Dossier : Libérer des espaces (...)

Libérer des espaces : résister, créer, militer

Jeunes féministes en lutte

Le Mouvement RebELLEs s’organise

Barbara Legault

En octobre 2008 se tenait le 1er Rassemblement pancanadien des jeunes féministes qui a réuni à Montréal plus de 500 jeunes femmes de 14 à 35 ans de toutes les régions du Québec et du Canada. L’objectif de cet événement était d’ « enraciner, dynamiser, mobiliser et réseauter le mouvement des jeunes féministes au Canada ». Un an plus tard, qu’en est-il ?

Sans prétendre épuiser la question ni entrer dans les débats plus ou moins fertiles sur l’existence ou non d’une troisième vague féministe, mentionnons à tout le moins quelques-unes des raisons qui ont motivé les organisatrices de RebElles dans leur entreprise. D’abord, le sentiment que nous avions besoin d’un espace pour nous rencontrer et jeter ensemble les bases d’un mouvement féministe qui nous ressemble. Il y avait également la certitude que le mouvement féministe canadien actuel était grandement affaibli et avait urgemment besoin d’idées nouvelles, d’énergies vives bien enracinées et, surtout, de l’engagement militant des milliers de jeunes féministes que nous sommes, pour contribuer à combattre la montée de la droite et organiser la défense des droits des femmes. Notre but était de mobiliser des jeunes féministes de tous les coins du Canada, et ce de façon à représenter la pluralité de nos expériences, âges, provenances, identités culturelles, contextes de vie, tendances politiques et analyses. Finalement, le processus même d’une organisation par des jeunes féministes, pour des jeunes féministes se voulait un espace d’expérimentation et de créations de modes organisationnels antihiérarchiques et alternatifs.

« Toujours RebELLEs ! » a, pour la première fois dans l’histoire du Canada, permis à des jeunes féministes de partout au pays de se réunir et de discuter de nos réalités, de nos victoires, de nos luttes, de notre colère et de notre enthousiasme d’être féministes. L’ambiance a parfois été électrisante et survoltée, d’autres fois plus feutrée, notamment lors des ateliers où les jeunes femmes partageaient leur quotidien et les oppressions qu’elles vivent, afin d’en faire les assises de luttes collectives.

L’une des particularités du Rassemblement était le passage rapide de l’analyse à l’action. En effet, après avoir analysé des enjeux spécifiques dans les ateliers thématiques, les participantes étaient invitées à organiser ensemble une action sur cet enjeu. Une vingtaine d’actions de résistance créative ont eu lieu l’après-midi même dans les rues de Montréal, allant du cheerleading radical, en passant par des batucadas en pleine rue, du théâtre d’impact dans le métro, ou des bannières interactives dénonçant la pauvreté des femmes... et bien plus encore.

Un autre objectif central du Rassemblement était de partager et de développer notre analyse sur l’actuelle montée de la droite dans la présente conjoncture, afin d’élaborer des stratégies de luttes. Cette volonté s’est matérialisée avec la rédaction et l’adoption de notre plate-forme politique, le Manifeste RebELLEs qui agit comme véritable outil politique unitaire, facilitant l’identification ainsi que l’organisation de nos luttes.

Et après ? Les manifestations de l’émergence du Mouvement RebELLEs

Le 8 mars 2009, Journée internationale des femmes, avait lieu la première journée pancanadienne d’actions décentralisées du mouvement RebELLEs sous le thème « Toujours RebELLEs : la droite à la poubelle ». Des jeunes féministes de partout au Canada se sont mobilisées pour organiser plus de 25 actions afin de dénoncer la montée de la droite et les attaques perpétrées contre les femmes.

Un mois plus tard, nous testions la force de notre réseau, alors que le Collectif féministe radical montréalais La Riposte lançait un appel à organiser des actions contre la manifestation pro-vie qui aurait lieu le 14 mai à Ottawa. Cet appel, lancé à moins d’une semaine d’avis sur la liste courriel RebELLEs pancanadienne, donna lieu à des manifestations à Winnipeg et à Toronto, et à des actions à Halifax, Antigonish et Whitehorse, en plus de la participation importante de RebELLEs à la grande manifestation de Montréal.

Maintenant doté d’une nouvelle structure pancanadienne, « Toujours RebELLEs ! » est passé du statut d’événement à celui de réseau et, finalement, de mouvement.

L’année 2010 concrétisera notre capacité d’action comme mouvement politique, avec deux grandes priorités établies par les représentantes provinciales, soit : la Marche mondiale des femmes (MMF) en 2010 et la lutte contre la Rencontre du G8-G20 en Ontario.

Un deuxième rassemblement est aussi prévu pour l’été 2011 à Winnipeg et sera organisé par le Collectif Fem Rev.

Depuis le rassemblement, notre base s’est considérablement élargie et nous continuons de nous structurer et de nous organiser comme mouvement de jeunes féministes afin de contribuer aux luttes féministes sur l’Île de la Tortue (Amérique du Nord).

Dans une conjoncture morose marquée par la montée des antiféminismes et de la droite économique, religieuse, politique et morale, nous sommes
déterminées à renforcer notre capacité à défendre les femmes et à combattre le patriarcat.

Le Mouvement RebELLEs se construit et bien que cela reste un enjeu sans cesse renouvelé, nous croyons avoir réussi sur le plan de la diversité là où plusieurs groupes féministes majeurs semblent avoir échoué. Notre pari de parvenir à créer une unité avec une grande diversité de féministes, de tabler sur nos luttes communes et ennemis communs, et ce dans une pratique féministe non-hiérarchique, anticapitaliste, antiraciste et antipatriarcale, s’est avéré porteur pour le rassemblement et le Mouvement RebELLEs.

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