La Fédération internationale des droits de l’Homme à Oka en 1990

11 juillet 2015

25 ans de la « crise d’Oka »

La Fédération internationale des droits de l’Homme à Oka en 1990

Gérald McKenzie

Les médias reviennent sur la Crise d’Oka. Nulle part à date je n’ai entendu mentionné le rôle qu’a joué la Ligue des droits et libertés (LDL) et de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH).

Le 10 juillet 1990, le Président de la Ligue lançait un appel à travers les journaux pour que le Premier ministre Bourassa empêche la charge de la SQ en territoire Mohawk, rappelant les réactions armées des Warriors à plusieurs occasions dans le passé. Notre appel et celui de plusieurs personnes proches du milieu autochtone n’ont pas été entendus. La crise venait de s’engager dans une spirale d’une ampleur sans précédent. Plus d’une centaine de coups de feu en 20 secondes dont un tua le caporal Lemay. Les autochtones se mobilisèrent derrière les Mohawks. Les Warriors avaient maintenant le haut du pavé. Ils tenaient les barricades et c’est avec eux, entre autres, que les gouvernements auraient à négocier.

Auparavant, pendant plusieurs mois, le maire Ouellette et plusieurs ministres derrière lui, avaient refusé d’entendre raison et de respecter les droits ancestraux des Mohawks de Kanasetake dans le cadre du projet d’agrandissement du Golf et de construction de condos. Pour un terrain de golf nous fûmes entraînés dans une mini-guerre. Le Gouvernement fédéral avait pourtant en main l’information et des pistes de solutions pour régler ce contentieux. La Commission des droits de la personne du Québec avait prévenu le Québec et le Fédéral d’un conflit si rien n’était fait à Kanasetake.

Le jour même de la mort du Caporal Lemay, la Ligue des droits et libertés (LDL) fit un appel d’urgence à la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) pour qu’elle envoie une mission de haut niveau pour contribuer à ce qu’il n’y ait pas d’autres victimes. La présence d’observateurs étrangers peut éviter le pire, il fallait agir rapidement. Le Juge Fouque rencontra toutes les parties en présence de Gilles Tardif, de la LDL et Vice-président de la FIDH. Lors de ces rencontres on évoqua la nécessité d’une négociation formelle entre les parties avec la présence d’observateurs de la FIDH. Il en résultat la signature d’un accord pour négocier (le spectacle des gens masqués fut une erreur majeure et imprévue par les négociateurs gouvernementaux).

Trois conditions furent acceptées par les parties (Ottawa, Québec et les Mohawks représentés par des leaders de Kanasetake, Kahnawake et Mohawk Nation l’organe politique des Warriors) : libre circulation des biens essentiels, des personnes et présence d’observateurs internationaux (européens) à toutes les barricades et à la table des négociations). Une entente intervint entre le Gouvernement du Québec et la FIDH pour assurer la venue de plus de 68 observateurs qui assureraient une présence 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sur les lieux stratégiques.

Tous les jours, des rencontres avaient lieu entre la mission d’observation et les parties en cause pour baisser les tensions. Jour et nuit, la coordination de la mission FIDH recevait des appels d’urgence venant de points chauds. Des représentations avaient lieu sur le champ auprès des deux parties, plusieurs fois évitant des affrontements violents.

Normalement la FIDH fait des missions d’observation pour la défense des droits des populations ou des minorités. Là, c’était une mission d’observation spéciale. Malgré son parti pris général pour les peuples en difficulté, la FIDH dût agir comme tampon entre les parties.

Pendant quelques jours, des hélicoptères durent transporter les observateurs entre les barricades pour que les négociations continuent. À la table des pourparlers, les négociateurs d’Ottawa et de Québec (Big brother, Little brother…) se lançaient la balle. Les Mohawks eurent vite la certitude de se faire mener en bateau. Les représentants Mohawks avaient déjà en main un projet d’entente. C’est à ce moment que Bourassa mit fin aux négociations et que les Warriors se retirèrent au Treatment Center de Kanasetake assiégé par l’Armée.

Après le départ des observateurs, Mira Cree, l’animatrice de Radio-Canada, une Mohawk de Kanasetake, lança un appel à la FIDH qui envoya une observatrice expérimentée pour faire une médiation auprès des autorités afin de laisser entrer des leaders spirituels venus de Brampton, Ontario, pour calmer certains Warriors pris en souricière qui risquaient de jouer du fusil ce qui aurait entraîné une riposte de l’Armée. La venue de ces leaders a peut-être permis la capitulation des Warriors qui se rendirent dans les jours suivants. Lors de la sortie de ceux-ci, dans un couloir très serré de soldats qui les conduisaient à l’autobus, un seul Mohawk put s’en sortir « miraculeusement » pour retourner à travers les terres vers Akwasesne, le Chef Lorne Thomson. Quelques jours plus tard il se rendait. Et les Warriors furent libérés assez rapidement.

Plusieurs interventions citoyennes ont permis d’éviter plus de morts ou des blessés entre autres la mobilisation des femmes autochtones du Québec et plusieurs organismes communautaire de la société québécoise. La présence de la Fédération internationale des droits de l’homme fut un facteur crucial selon nous, du début à la fin de la crise. Dans l’ombre pourrait-on dire.

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